A l’approche du premier anniversaire de la mort de Mahsa Amini, l’Iran multiplie les arrestations de personnalités, d’activistes et de proches des personnes tuées par les forces de sécurité durant les manifestations de l’an dernier, assurent des militants.
La mort en détention le 16 septembre 2022 de cette Kurde iranienne de 22 ans, arrêtée pour une infraction présumée au code vestimentaire des femmes, avait déclenché des mois de manifestations hostiles au pouvoir. Les manifestations ont brisé des tabous et touché aux fondements idéologiques de la République islamique instaurée en 1979 : des slogans ont été scandés contre le guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei, et des femmes ont ouvertement défilé dans les rues sans foulard.
Depuis, les manifestations ont nettement décru mis à part quelques actions sporadiques, en raison d’une répression qui a conduit à des milliers d’arrestations, selon l’ONU, et à des centaines de morts, selon des militants des droits humains. Des activistes en exil affirment aujourd’hui que les autorités, craignant de nouvelles manifestations à l’occasion du premier anniversaire de la mort de la jeune femme, ont intensifié la répression.
Parmi les personnes arrêtées au cours de ce mois d’août, figure le célèbre chanteur Mehdi Yarrahi, auteur d’une chanson exhortant les femmes à retirer leur foulard. Onze militantes des droits des femmes ont aussi été arrêtées dans la province de Gilan (nord), l’une des zones les plus touchées par les manifestations l’an dernier, selon l’ONG Human Rights Activists News Agency (HRANA) basée aux Etats-Unis.
Amnesty International affirme pour sa part que les familles des manifestants tués lors de la répression du mouvement ont été victimes d' »arrestations et détentions arbitraires » pour obtenir « le silence et l’impunité » sur le sort de leurs proches.
« Cruauté sans limites »
« Ces arrestations constituent une tentative flagrante des autorités iraniennes pour semer la peur au sein de la population à l’approche du prochain anniversaire (et) pour dissuader de nouvelles manifestations », a déclaré à l’AFP Hadi Ghaemi, directeur exécutif du Center for Human Rights in Iran (CHRI), basé à New York.
Un rapport d’Amnesty indique que des familles de victimes de la répression ont fait l’objet d’interrogatoires abusifs, d’arrestations et de détentions arbitraires, de poursuites et de condamnations injustes ces derniers mois.
« La cruauté des autorités iraniennes ne connaît pas de limites », a déclaré Diana Eltahawy, directrice régionale adjointe d’Amnesty pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, accusant les autorités iraniennes de « tentative sinistre de dissimuler leurs crimes ».
Selon HRANA et l’ONG Hengaw, basée en Norvège, les forces de sécurité ont arrêté dimanche plusieurs proches, dont la mère, de Hananeh Kia, une femme de 22 ans abattue par les forces de sécurité en septembre 2022 au début des manifestations.
« Susciter la peur »
Dans un rapport distinct, Amnesty a dénoncé le retour de la répression contre les femmes non voilées, avec patrouilles et caméras. Mais des images diffusées sur les réseaux sociaux témoignent que la désobéissance ne faiblit pas. Pour sa part, l’ONG Iran Human Rights (IHR), basée en Norvège, a affirmé que 486 personnes avaient été exécutées en Iran cette année pour « susciter la peur dans la société et empêcher de nouvelles manifestations ».
Alors que sept hommes ont été exécutés en lien avec les manifestations, provoquant un tollé international, la plupart des personnes pendues l’ont été officiellement pour trafic de drogue et meurtre et sont des « victimes bon marché de la machine à tuer de la République islamique », a-t-elle ajouté.
Des arrestations ont également été signalées dans la région à majorité kurde de l’ouest de l’Iran d’où Amini était originaire et qui a été le théâtre des premières manifestations.
Selon Hengaw, Saro Mostajer, le frère de l’un des membres de son conseil d’administration, Jila Mostajer, a été arrêté à Saqez, la ville natale d’Amini, et conduit vers une destination inconnue. Hadi Ghaemi se dit de son côté préoccupé par le « silence de la communauté internationale », qui équivaut selon lui à « un feu vert donné à l’appareil sécuritaire pour qu’il continue à museler la société civile ».