Les services d’alertes météo et de la protection civile ont-ils échoué en Allemagne au vu du bilan meurtrier des inondations ? Le débat fait rage et les appels se multiplient pour mieux sensibiliser la population.
« Deux jours environ avant, nous avons travaillé ici très normalement, on entendait bien parler de fortes pluies à la météo et on a vu des routes inondées dans la région mais personne n’imaginait qu’il allait se passer quelque chose comme ça », témoigne Gregor, qui est né et vit à Bad Neuenahr-Ahrweiler, une des villes les plus dévastées par le « raz-de-marée » des crues. « Dans la nuit ensuite, j’ai vu une brève alerte arriver mais en fait c’était beaucoup trop tard et compte tenu de la hauteur de la crue », avec l’eau en furie s’engouffrant à 2,5 mètres de haut dans la ville, « il n’y avait aucune chance de se protéger », raconte-t-il.
Comme beaucoup d’autres résidents de cette cité jadis pittoresque de 30 000 habitants en Rhénanie, il a tout perdu, ou presque.
Les critiques fusent
La protection civile et les services météorologiques, censés à la fois alerter à temps les populations et donner des consignes d’évacuation, doivent affronter les critiques face au bilan humain : près de 160 morts et des centaines de blessés, selon le dernier décompte.
« En 2021, nous ne devrions pas avoir à déplorer autant de victimes », a estimé Hannah Cloke, professeur d’hydrologie à l’université de Reading au Royaume-Uni, sur la chaîne de télévision ZDF, parlant d’un échec du système d’alerte. « Plusieurs jours avant déjà on pouvait voir ce qui allait arriver (…) et malgré tout la chaîne d’alerte s’est rompue quelque part, de sorte que les gens n’ont pas reçu les avertissements », accuse-t-elle.
« L’échec avant les inondations », renchérit le quotidien Bild, le plus lu d’Allemagne. « Les sirènes sont restées silencieuses en bien des endroits, il n’y a presque pas eu d’alertes lancées » à la radio ou à la télévision, « tout cela (…) est un désastre pour la protection civile, qui est l’une des mission essentielles de l’État », ajoute-t-il.
Les services météo se défendent en estimant avoir mis en garde contre de fortes pluies. Et la dirigeante de la région la plus touchée, celle de Rhénanie-Palatinat, Malu Dreyer, a assuré dimanche que les systèmes d’alertes de crue avaient tous été activés. Mais elle a reconnu que les perturbations du système de téléphonie mobile, engendrées par les inondations, avaient compliqué la tâche pour prévenir les populations.
« Les gens n’ont pas encore vraiment pris conscience que leur petit ruisseau, le petit cours d’eau près de chez eux peuvent sortir de leur lit en très peu de temps », estime pour sa part le responsable de la gestion du risque à la protection civile allemande, Wolfram Geier, sur la radio publique.
Des lacunes et un manque de préparation
Mais le patron de l’organisme reconnaît des lacunes. La population « a eu l’impression qu’il s’agissait de grosses pluies » mais « leur ampleur n’a pas été communiquée » assez clairement, a estimé Gerd Landsberg dimanche dans le groupe de presse régional Funke. Il a appelé à « un très gros renforcement » de ses services, « tant sur le plan des effectifs que des compétences ».
La ministre de la Recherche Anja Karliczek a aussi exhorté à une meilleure préparation des autorités. « Une des leçons de cette catastrophe est qu’il nous faut améliorer la recherche sur ces épisodes météorologiques extrêmes au cours des prochaines années », a-t-elle affirmé.
La chancelière Angela Merkel, en visite sur les lieux dimanche, a toutefois mis en garde contre des attentes exagérées. « Nous réfléchissons bien sûr après chaque événement aux moyens de nous améliorer. Mais les catastrophes naturelles surviennent parfois si vite qu’on ne peut y échapper », a-t-elle réagi.
LQ/AFP