Les deux cargos abandonnés à la dérive ces derniers jours au large de l’Italie avec plus de 1 200 clandestins à bord montrent que les trafiquants n’hésitent pas à recourir à de nouvelles tactiques, encore plus périlleuses, pour gérer le flux migratoire incessant via la Méditerranée.
Quelque 450 migrants, des hommes, des femmes mais aussi des enfants, se trouvaient à bord de l’Ezadeen, désormais sous le contrôle de la marine italienne. (Photos : AFP)
Outre les moyens courants utilisés jusqu’ici, des canots de pêche ou pneumatiques aux bateaux de plaisance ou voiliers, les réseaux de trafiquants utilisent de plus en plus des cargos d’occasion ou des bateaux attendant la casse pour tromper les garde-côtes patrouillant aux frontières maritimes. Ces vieux bateaux sont vendus partout dans le monde, « ce qui est légal », affirme à l’AFP David Olsen, expert du journal maritime Lloyd’s List. « Ils sont vendus sur des sites internet et même sur Ebay », relève-t-il.
Ces cargos valent « moins que le prix d’un appartement à Londres ». « Il y a des gens qui, en sirotant leur bière autour d’une table, se mettent d’accord de vendre un vieux bateau. Car ça ne vaut pas le coup d’envoyer des bateaux de 40 ou 50 ans en Inde pour les détruire », souligne l’expert.
L’âge des deux cargos à la dérive cette semaine au large d’Italie, l’Ezadeen, immatriculé en Sierra Leone ou le Blue Sky M battant pavillon moldave, était de plus de 40 ans.
> Bâteaux-fantômes
Dans les deux cas du Blue Sky M comme de l’Ezadeen, les passeurs n’ont pas hésité à mettre la vie des migrants en péril en abandonnant les navires en pleine mer pour provoquer l’intervention des garde-côtes. La tactique la plus courante pour déclencher une opération de sauvetage, très utilisée surtout en mer Egée en Grèce, consiste à obliger les migrants à dégonfler les canots et à sauter à la mer, ce qui contraint les gardes-côtes à intervenir.
Le recours à de gros cargos permet également de faire des « économies d’échelle », relève Joel Millman, porte-parole de l’Organisation internationale des migrations (OIM). Les conflits en Syrie, Irak ou Afghanistan ainsi que la pauvreté dans certains pays d’Afrique ou d’Asie ont provoqué un flux migratoire record en 2014 vers l’Europe : plus de 170 000 personnes ont été secourues par l’Italie au cours des 14 derniers mois et des centaines d’autres, peut-être des milliers, ont péri dans leur tentative de traverser la Méditerranée.
« Des villes entières sont en train d’être évacuées en Syrie, ce qui représente des milliers de migrants chaque mois », souligne Joel Millman. « Nous avons des informations selon lesquelles ces migrants payent entre 1 000 et 2 000 dollars par personne, ce qui signifie que ceux qui sont derrière un cargo tel que le Blue Sky M ont encaissé plus d’un million de dollars pour un seul voyage, de quoi payer l’équipage, son évacuation et sans doute des pots-de-vin qui pourraient être utiles pour une prochaine opération », ajoute-t-il.
AFP