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Hongrie : la détention des migrants entre en vigueur


Des demandeurs d'asile, le 25 juin 2015 dans la ville hongroise de Röszke, à la frontière avec la Serbie. (Photo : AFP)

La Hongrie a encore resserré son dispositif anti-immigration, avec l’entrée en vigueur mardi d’une loi de placement en détention systématique des demandeurs d’asile, une disposition dénoncée comme non-conforme au droit international et qui place l’UE dans l’embarras.

Selon la nouvelle législation, tous les demandeurs d’asile présents en Hongrie ou y arrivant doivent être regroupés dans deux camps fermés installés à la frontière serbe, à Röszke et à Tompa.

«A partir d’aujourd’hui, les zones de transit élargies fonctionnent 24 heures sur 24 pour les demandeurs d’asile», s’est félicité György Bakondi, conseiller pour les affaires de sécurité intérieure du Premier ministre Viktor Orban. Le dirigeant souverainiste, qui a fait ériger une clôture barbelée le long des frontières serbe et croate de son pays lors de la crise des réfugiés de 2015, se présente volontiers comme le fer de lance de la lutte contre l’immigration en Europe, un phénomène qu’il a qualifié de «poison».

La mesure de placement en détention systématique vise à «empêcher les migrants dont le statut n’est pas clairement défini de se déplacer librement sur le territoire national et au sein de l’Union européenne, et donc de réduire les risques sécuritaires liés aux migrations», a souligné le gouvernement. Les camps ont été équipés de 324 conteneurs habitables. Les migrants devront y séjourner dans l’attente d’une décision définitive concernant leur demande d’asile et il ne leur sera possible de quitter les lieux qu’en cas d’avis positif ou s’ils retournent en Serbie, selon Budapest.

Transferts suspendus

Le gouvernement hongrois assure que les camps, qui ne sont pas ouverts à la presse, sont dotés d’équipements de confort moderne et que leurs occupants bénéficieront de trois repas par jour ainsi que d’un accès aux soins et aux moyens de télécommunication. La loi, adoptée le 7 mars, qui semble lier les demandeurs d’asile à l’insécurité, a été dénoncée par plusieurs ONG et par le Haut commissariat de l’ONU aux réfugiés (HCR). Ce dernier a relevé qu’elle «viole les obligations de la Hongrie vis-à-vis des lois internationales et européennes» en matière d’asile.

En visite à Budapest, le commissaire européen aux Migrations, Dimitris Avramopoulos, a appelé mardi au respect des «principes» de l’UE, sans toutefois évoquer explicitement la nouvelle mesure. «Notre Union prévoit d’apporter à ceux qui en ont besoin une aide humaine, digne et respectueuse», a-t-il déclaré après une rencontre avec le ministre de l’Intérieur hongrois Sandor Pinter. «Cela signifie accorder un accès réel au processus d’asile» et garantir «une possibilité d’un appel impartial des décisions», a ajouté M. Avramopoulos.

Vendredi, le Conseil de l’Europe avait adressé à M. Orban une lettre pour lui faire part de son inquiétude au sujet de la nouvelle loi. Mardi, la Cour européenne des droits de l’Homme a par ailleurs confirmé avoir demandé en référé à Budapest de suspendre le transfert de huit mineurs et d’une femme enceinte vers un camp fermé, à la suite d’une saisine par l’ONG Comité d’Helsinki.

«Diktat» européen

Sans se laisser démonter, M. Orban a vanté mardi les mérites des sa politique migratoire, lors d’une réunion des chefs de gouvernement des pays du groupe de Visegrad (Pologne, Hongrie, République tchèque et Slovaquie) à Varsovie. «Désormais, la Hongrie est en état de répondre même si l’accord (migratoire, ndlr) entre l’UE et la Turquie ne fonctionne pas», a-t-il estimé. Les pays de Visegrad, tous hostiles aux quotas obligatoires de répartition de migrants entre les pays de l’UE, ont à cette occasion dénoncé «le diktat» européen à leur égard concernant la politique migratoire commune.

Pour l’ONG Human Rights Watch, «l’échec de la Commission européenne à faire pression sur la Hongrie encourage d’autres pays de l’UE à l’imiter». En 2013, Budapest avait renoncé à la mise en détention systématique des demandeurs d’asile sous la pression de l’UE et du HCR. La Hongrie érige une deuxième barrière antimigrants à sa frontière serbe, parallèle aux barbelés de la première clôture et équipée de caméras thermiques ainsi que d’alarmes. Quelque 400 migrants se trouvent actuellement en Hongrie, dont une grande partie déjà détenus dans des camps fermés, selon le Comité d’Helsinki.

Le Quotidien/AFP