Le projet de paix américain pour le Moyen-Orient, qui prévoit notamment l’annexion de parties de la Cisjordanie occupée par Israël, reçoit mercredi un accueil largement favorable des Israéliens, farouchement hostile dans les Territoires palestiniens et timoré sur la scène internationale.
Flanqué de son « ami » le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, le président américain Donald Trump a vanté mardi un projet « gagnant-gagnant » avec une solution à « deux États ». Mais le président palestinien Mahmoud Abbas, qui a refusé ces derniers mois les offres de dialogue des Etats-Unis jugeant Trump complètement parti pris, a affirmé que le plan « ne passera pas ». Des Palestiniens manifestent mercredi contre le plan dans la bande de Gaza, où des milliers de personnes s’étaient déjà réunies mardi soir. Des rassemblements ont également lieu en Cisjordanie, territoire palestinien occupé depuis 1967.
Parmi les nombreux points sensibles du projet figure l’annexion par Israël des colonies juives en Cisjordanie, en particulier dans la vallée du Jourdain, qui doit devenir la frontière orientale d’Israël. Drapeau palestinien à la main, Thabit Atiya, 52 ans, manifeste mercredi à Tubas, dans cette vallée. « Je suis ici pour dire mon opposition au plan de Trump », a-t-il dit. « Je veux montrer que la Palestine n’est pas vide et que ses habitants originels sont toujours ici ». « Non, des milliers de non », titre le quotidien palestinien al-Hayat al-Jadida. Le plan assure que Jérusalem restera « la capitale indivisible d’Israël » et propose de créer une capitale de l’État palestinien cantonnée dans des faubourgs de Jérusalem-Est.
Le plan américain fait réagir
« Il est impossible pour n’importe quel enfant, arabe ou palestinien, d’accepter de ne pas avoir Jérusalem » comme capitale d’un État palestinien, a lancé Mahmoud Abbas, une position partagée par le Hamas, mouvement islamiste qui contrôle la bande de Gaza, séparée géographiquement de la Cisjordanie. « La soi-disant équipe américaine pour la paix a seulement copié et collé le plan de Netanyahu et des colons », a fustigé Saëb Erakat, secrétaire général de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP).
Côté israélien, les réactions sont tout autres. « Soirée historique », titre le commentateur politique Nahum Barnea dans son éditorial dans le quotidien israélien Yediot Aharonot. Ce plan « clôt un chapitre de l’histoire du conflit israélo-palestinien et en ouvre un autre ». Le parti « Bleu-Blanc » de Benny Gantz, principal rival de Benjamin Netanyahu pour les législatives du 2 mars, a estimé que le plan proposait « une base solide, viable pour faire avancer un accord de paix avec les Palestiniens ». A gauche toutefois, le chef du parti travailliste Amir Peretz a jugé que « celui qui soutient l’annexion unilatérale (…) ne veut pas de processus de paix ni d’accord ». La proposition d’annexion a suscité la satisfaction des colons israéliens, vite ternie par la mention d’un État palestinien. « Nous ne laisserons pas la sécurité des localités en Judée et Samarie être menacée », a affirmé Yisrael Gantz, un des responsables des colonies dans le secteur de Ramallah.
L’ONU conserve les frontières de 1967
Le président Trump a souligné que le futur Etat palestinien ne verrait le jour que sous plusieurs conditions, dont « le rejet clair du terrorisme ». Selon la Maison Blanche, le projet propose un État palestinien « démilitarisé », avec des tracés qui seraient nettement en-deçà de ce à quoi aspirent les Palestiniens, à savoir la totalité des Territoires occupés depuis 1967 par Israël. Le plan américain a suscité la circonspection à l’étranger, sauf à Ankara et Téhéran, où il a été vivement rejeté, respectivement considéré comme « absolument inacceptable » et comme « la trahison du siècle ».
L’ONU a souligné qu’elle s’en tenait aux frontières définies en 1967, comme la Jordanie. Autre seul pays arabe à avoir signé un traité de paix avec Israël, l’Egypte s’est contentée d’appeler Israéliens et Palestiniens à un examen « approfondi » du plan. La France a exprimé « sa conviction » qu’une solution à deux Etats était « nécessaire à l’établissement d’une paix juste et durable au Proche-Orient ». Parmi les alliés des Etats-Unis, Londres était le plus positif, qualifiant le plan de « proposition sérieuse ». L’Arabie saoudite, avec qui Israël a récemment montré des signes de rapprochements, a dit « apprécier » les efforts de Donald Trump, mais a aussi exprimé son soutien « inébranlable » aux Palestiniens. Les manifestations dans les Territoires palestiniens contre le plan restent pour le moment limitées mais si elles prenaient de l’ampleur, elles pourraient raviver un conflit israélo-palestinien resté à l’ombre des Printemps arabes, du conflit en Syrie et de la crise avec l’Iran ces dernières années.
AFP/LQ