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Guy Verhofstadt à Luxembourg : « Il faut proposer aux citoyens une vision de l’Europe »


Guy Verhofstadt est le président du groupe parlementaire Alliance des démocrates et des libéraux pour l'Europe (ADLE). Il veut mettre fin à l'immobilisme de l'Union européenne et propose de la réformer dans sa globalité. (photo FondationA.Weicker)

De passage au Grand-Duché, l’eurodéputé et ancien Premier ministre belge est venu parler de son livre, Le Mal européen, un ouvrage de 415 pages expliquant son souhait de réformer l’Europe.

Après une journée marathon entre Strasbourg et Bruxelles, Guy Verhofstadt s’est arrêté à Luxembourg jeudi soir pour parler de son livre, Le Mal européen. Il y explique sa vision d’avenir pour l’Union européenne et surtout propose sa solution pour sortir de son marasme le projet européen englué dans une crise économique n’en finissant plus, une crise migratoire sans précédent et une impuissance géopolitique effrayante.

Guy Verhofstadt, ancien Premier ministre de la Belgique, siège au Parlement européen depuis 2009 et préside le groupe parlementaire Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe (ADLE), dont l’idéologie tourne autour du libéralisme, du centrisme et surtout du fédéralisme. La solution prônée par cet Européen convaincu consiste non pas à bâtir un «superÉtat» européen, mais à faire un pas décisif vers une Europe plus efficace et plus démocratique. Guy Verhofstadt revendique l’héritage des pères fondateurs et souhaite administrer une cure de jouvence à une Constitution européenne oubliée, datant de 1953.

Jeudi soir, dans l’auditorium flambant neuf de la banque BGL BNP Paribas, sur l’invitation de la Fondation Alphonse-Weicker, Guy Verhofstadt s’est attardé, pendant une bonne heure, sur une réforme qu’il appelle de ses vœux (conférence à écouter en intégralité en fin d’article). Si l’ancien Premier ministre belge n’a jamais clairement évoqué son ambition de se porter candidat au poste de président du Parlement européen, qui sera laissé vacant après le départ de l’Allemand Martin Schulz, le message fut limpide.

Son élan et sa motivation pour entreprendre une réforme de l’Europe qui s’annonce déjà comme difficile, à une époque où les eurosceptiques n’ont jamais été aussi forts en Europe, vient d’une frustration profonde de l’Union européenne d’aujourd’hui  : « Depuis quelques années, l’Europe vit une polycrise, c’est-à-dire une crise économique persistante, une crise financière qui va sans doute nous retomber dessus comme le montrent les problèmes que l’on connaît avec certaines banques du sud de l’Europe, une crise des réfugiés, une crise migratoire que l’on a sous-traitée à la Turquie d’Erdogan, une crise sécuritaire avec les attentats en France et en Belgique, et puis une crise géopolitique où l’Union européenne a géré avec faiblesse des crises dans le voisinage de l’Union, dont l’Ukraine et la Syrie sont des exemples terrifiants. »

L’Union européenne est une vetocratie

Dans son livre, l’eurodéputé tente ainsi de comprendre comment l’Europe en est arrivée là  : « Comment les États-Unis ont-ils réussi à sortir de la crise financière alors qu’ils étaient à l’origine de cette crise, alors que l’Europe, elle, est toujours plongée dedans? Après le début de la crise financière, l’administration américaine a procédé au nettoyage des banques et des assurances en déboursant 400  milliards de dollars, une somme qui est retournée dans les caisses du contribuable américain en 2014 (NDLR : le 1 er janvier 2014, le dernier dollar a été remboursé) . Pendant ce temps, en Europe, huit ans après la crise, nos banques ne sont pas nettoyées et l’union bancaire n’est pas encore en marche, puisque le fonds de sauvetage n’a pas encore reçu les contributions des États membres.»

Selon Guy Verhofstadt, à la base de toutes ces crises, le même problème est constaté  : «Nos institutions européennes sont trop faibles et pas équipées pour faire face aux énormes défis et enjeux de notre époque.» Fustigeant la lenteur de l’Europe à prendre une décision, l’homme politique n’hésite pas à affirmer que «l’Union européenne n’est pas une union» . Il ajoute  : «Cela va peut-être choquer, mais en réalité, la plupart du temps, l’Union européenne est une confédération d’États-nations basée sur la règle de l’unanimité, soit une vetocratie, et de surplus paralysée.»

Le terme de vetocratie fait référence à la possibilité pour un État membre d’utiliser son veto et au fait que certaines décisions doivent avoir l’accord de tous les États membres. « Cette vetocratie est née ici au Luxembourg, avec le Compromis de Luxembourg de 1966, pour convenir aux demandes de Charles de Gaulle , relève l’eurodéputé. Il a été et est encore à la base de nos institutions. Ainsi, à chaque fois qu’un pays européen le peut, sous couvert d’un intérêt vital, il peut bloquer une décision à l’intérieur du Conseil européen, et ce même si cette décision est basée sur la règle de la majorité et non de l’unanimité. »

Une Europe fédérale avec plus de pouvoirs

Européen convaincu, l’homme fort des libéraux européens ne souhaite pas voir l’Europe se dissoudre, au contraire. Il souhaite une Union européenne « fédérale », dotée de réels pouvoir et de capacités, comme une armée européenne, un budget européen, une politique d’immigration commune, un service de renseignement européen, un marché numérique commun, une union bancaire à part entière, une meilleure mobilité d’emploi en Europe ou encore une révision du système institutionnel, bref une réforme globale, presque une refonte des institutions, pour donner plus d’Europe aux citoyens.

« Il faut proposer aux citoyens une vision, un projet. Sans cela, ils vont tomber dans le nationalisme et le populisme, car il est facile de dire que l’Union ne fonctionne pas, alors que ce sont les États eux-mêmes qui bloquent son fonctionnement. D’où la nécessité d’avoir une Europe fédérale. Aujourd’hui, lorsque l’on interroge les citoyens, une grande majorité d’entre eux demande plus d’Europe, mais pas une Union fonctionnant comme c’est le cas actuellement », conclut Guy Verhofstadt.

Jeremy Zabatta

Écouter l’intégralité de la conférence :

Un commentaire

  1. „Wahnsinn bei Individuen ist selten, aber in Gruppen, Nationen und Epochen die Regel.“ Les propos de Guy Verhofstadt rappellent la formule de Friedrich Nietzsche: « La folie est rare chez les individus, elle est la règle chez les groupes, nations et époques »

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