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Guerre en Ukraine : vers un retrait de 100 000 militaires américains d’Europe de l’Est ?


Les Etats-Unis pourraient amputer de 10 000 soldats les forces américaines déployées en soutien en Europe de l'Est.

Une réduction du nombre de soldats américains en Europe de l’Est, évoquée cette semaine par des médias américains, serait interprétée comme un nouveau pas de Washington en direction de Moscou, un signal inquiétant pour les Européens, selon des analystes.

Des responsables du ministère américain de la Défense sont en train d’étudier le retrait de 10 000 militaires américains stationnés en Europe de l’Est, a affirmé cette semaine la chaîne NBC News, citant des sources américaines et européennes. Ces 10 000 feraient partie des 20 000 militaires supplémentaires déployés par l’administration de Joe Biden pour renforcer la protection de l’Europe de l’Est après l’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022.

Quelque 100 000 soldats américains sont présents en Europe, dont un peu plus de 65 000 de façon permanente, selon des chiffres du Pengagone. Le général Christopher Cavoli, commandant des forces américaines en Europe, a dit mercredi devant la Chambre des Représentants que ces chiffres sont régulièrement réévalués. «J’ai constamment recommandé de les maintenir et je continuerai à le faire».

«Revue générale des déploiements»

Lors de la même audition, une responsable du Pentagone, Katherine Thompson, n’a pas exclu cette option, rappelant qu’une revue générale des déploiements américains dans le monde entier était en cours. «Nous évaluons ces éléments en fonction des intérêts déclarés par le président Trump (…). Aucune décision n’a encore été prise», a-t-elle dit.

Le président américain répète à l’envi que les Etats-Unis dépensent trop pour maintenir leur présence militaire dans le monde et que la priorité stratégique américaine est de faire face à la Chine. Dans ce contexte, retirer des troupes tournantes déployées depuis peu serait «plus facile que de retirer des forces permanentes comme celles d’Europe de l’Ouest», relève Artur Kacprzyk, du centre de recherche polonais PISM.

Les pays est-européens comme la Pologne, la Roumanie ou les pays baltes, espèrent conserver leurs soldats américains. «La Pologne a été maintes fois citée comme un pays dans lequel il vaut la peine d’investir. Donc, ils (les Etats-Unis) ne regardent probablement pas parmi leurs plus proches alliés pour leur faire subir quoi que ce soit», veut croire le ministre polonais de la Défense Wladyslaw Kosiniak-Kamysz.

«Une énorme concession»

Une réduction «serait un très mauvais signal parce que cela encouragerait la Russie à être plus agressive envers l’Europe, et serait interprété comme une énorme concession faite par l’Amérique à Moscou», résume George Scutaru, fondateur du think tank roumain NSC. Cela «renforcerait les inquiétudes quant à la fiabilité des Etats-Unis en tant qu’allié, et les craintes qu’ils cherchent à conclure un accord avec la Russie au détriment» de l’Europe, abonde Artur Kacprzyk.

Car ce retrait interviendrait en plein réchauffement des relations entre Washington et Moscou amorcé par Donald Trump : conversation téléphonique avec Vladimir Poutine, réunions bilatérales, échanges de prisonniers et négociations pour mettre un terme à la guerre en Ukraine.

La présence de militaires américains dans les anciens pays du bloc communiste est un irritant récurrent pour Moscou. «Evidemment, la Russie accueillerait favorablement une réduction des forces américaines près de ses frontières», prévoit M. Kacprzyk, rappelant qu’elle avait exigé fin 2021 le retrait de toutes les troupes alliées du flanc oriental de l’OTAN. Or, relève George Scutaru, «il est impossible de découpler» les deux mouvements : négociations sur l’Ukraine et processus plus profond et plus long de désengagement américain de l’Europe, amorcé de longue date.

«Déjà sous Obama en 2013-2014, il y a eu un premier tournant avec le retrait de deux des quatre brigades de combat» américaines en Europe, rappelle le Français Guillaume Lasconjarias, directeur des études de l’Institut des Hautes études de la Défense nationale (IHEDN), soulignant la transformation du profil des unités américaines en Europe : moins de troupes de combat, plus de troupes de soutien qui facilitent un redéploiement rapide de combattants, et une montée en puissance des pays européens.

Avec un éventuel retrait de ces troupes de renfort envoyées en 2022, «on reviendrait au statu quo ante», dit-il. Mais il faut surveiller de près ce qui sera décidé. Notamment le sort du Ve corps d’armée américain réinstallé partiellement en Pologne en 2022. «A l’époque de la guerre froide, le Ve corps était celui qui structurait la défense face au rideau de fer. S’ils le ferment, le signal est qu’on revient à une posture de temps de paix et pas de temps de crise», souligne Guillaume Lasconjarias.