Réfugié politique en France, l’artiste contestataire russe Piotr Pavlenski a revendiqué vendredi la « porno-politique » contre « l’hypocrisie » dans son pays d’accueil après avoir diffusé une vidéo intime qui a provoqué l’abandon de Benjamin Griveaux, le candidat mairie de Paris.
Celui qui a incendié en Russie les portes du siège de l’ex-KGB, s’est cloué la peau des testicules sur les pavés de la place Rouge ou s’est cousu les lèvres en signe de soutien au groupe contestataire russe Pussy Riot revendique avoir « ouvert la première plateforme porno-politique » en recevant les médias dans les bureaux de son avocat, Juan Branco, qui avait défendu Julian Assange, fondateur de Wikileaks. L’avocat explique avoir été « approché » par l’artiste qui se revendique de « l’art politique » pour « avoir un avis juridique sur la situation » et « vérifier la fiabilité » de la vidéo ». Il dément en revanche tout rôle dans la divulgation de la vidéo.
La séquence a été publiée « sur un site clandestin sans mention légale, hébergé aux États Unis, lié dit-on, à un activiste russe », a commenté l’avocat Richard Malka, conseil de Benjamin Griveaux, qui lui a demandé « d’engager des poursuites contre toute publication » qui ne respecterait pas sa vie privée.
Piotr Pavlenski, qui s’est réfugié en France après avoir purgé en Russie sept mois de détention pour avoir « endommagé » la Loubianka, siège historique des services de sécurité russes, se dit désormais « Français et parisien » et concerné par la politique française. « Benjamin Griveaux a commencé sa campagne avec une hypocrisie dégoûtante, il a utilisé sa famille en se présentant en icône pour tous les pères et maris de Paris. Il a fait de la propagande des valeurs familiales traditionnelles », dénonce-t-il. Le journal Libération indiquait vendredi matin que l’artiste lui avait affirmé « tenir cette vidéo d’une source qui avait une relation consentie avec Benjamin Griveaux ». Il refuse de préciser comment il a obtenu la vidéo en arguant de la « protection » de sa source.
Contestataire et contesté
Son site a diffusé mercredi soir une vidéo intime et des messages connotés adressés à une femme, affirmant qu’ils émanaient de l’ancien porte-parole du gouvernement. Ils ont été relayés peu à peu jeudi sur les réseaux sociaux, poussant Benjamin Griveaux à se retirer de la course à la mairie de Paris vendredi matin. Sur ce site, le texte accompagnant la vidéo est signé « Piotr Pavlenski ». Interrogé sur les critiques quasi-unanimes de la classe politique française sur ses méthodes, l’artiste militant russe se borne à dire que « chacun a son idée de ce qui est beau ou ignoble ». « Je m’en fiche de la personnalité de Griveaux, c’est une question de principe. C’est comme si un militant contre les violences faites aux femmes tabassait la sienne tous les soirs », dit-il.
Si ses performances en Russie visaient à dénoncer l’État policier, en France il souhaite maintenant s’attaquer à « l’hypocrisie qui est devenue la norme ». « Cela ne doit pas être considéré comme normal. C’est normal pour un acteur au théâtre », mais par pour un homme politique », estime-t-il en ajoutant que sa plateforme sera le « support » pour cette « dénonciation » et que d’autres vidéos suivront.
Pavlenski a été condamné en janvier 2019 à trois ans de prison, dont deux avec sursis, pour avoir incendié la façade d’une succursale de la Banque de France dans la capitale en octobre 2017. Lui et son ex-compagne Oksana Chaliguina, qui ont obtenu l’asile politique en France en mai 2017, entendaient ainsi dénoncer la présence de la Banque de France sur la place de la Bastille. Il s’agissait selon eux d’une performance artistique.
Piotr Pavlenski est en outre visé par une enquête pour des « violences avec arme », des faits qui se seraient produits dans la nuit du Réveillon dans un appartement du 6e arrondissement de Paris, a rapporté vendredi une source judiciaire, confirmant une information de Mediapart. Selon un participant à la soirée, une rixe a opposé plusieurs personnes à Pavlenski qui se serait saisi d’un couteau dans la cuisine. Selon Mediapart, deux invités ont été blessés avec ce couteau.
LQ/AFP