Accueil | Monde | Grèce : les néo-nazis d’Aube dorée face aux juges

Grèce : les néo-nazis d’Aube dorée face aux juges


Cette photo prise le 28 septembre 2013 montre le chef du parti Aube dorée, Nikos Michaloliakos, escorté par des policiers masqués jusqu'au procureur, au siège de la police à Athènes. (photo AFP)

Le procès des responsables du parti néo-nazi Aube dorée qui s’ouvre ce lundi matin décidera si cette formation, que la crise a installée dans le paysage politique, s’apparente à une « organisation criminelle » anti-immigrés.

Une condamnation du dirigeant et fondateur d’Aube dorée Nikos Michaloliakos, jugé aux côtés de 68 membres ou sympathisants du parti, remettrait en question l’avenir du mouvement, dont 13 des 17 députés figurent parmi les accusés, qui risquent des peines allant jusqu’à 20 ans de réclusion.

Le verdict ne sera pas connu avant un an, voire au delà, le temps d’un procès inédit qui va confronter la Grèce à son passé récent.

La montée en puissance d’Aube dorée, devenu en quelques années la troisième force politique du pays, s’est accompagnée d’une vague d’agressions racistes violentes, jusqu’au meurtre d’un jeune rappeur antifasciste Pavlos Fyssas, poignardé en septembre 2013 près d’Athènes par un militant du parti néonazi.

L’événement a été l’électrochoc qui a réveillé l’opinion publique et la classe politique après des années de relative passivité face à des violences dirigées, entre autres, contre des immigrés. Les organisations antiracistes, qui manifesteront devant le tribunal ce lundi matin, estiment qu’il s’agit d' »un des plus importants procès de l’histoire contemporaine grecque ».

En 18 mois d’une vaste offensive judiciaire, les magistrats ont bouclé une volumineuse instruction, placés en détention provisoire des dizaines de suspects, avec une diligence qui fait craindre à certains juristes que les charges ne soient pas toujours solidement étayées.

Des « poursuites politiques » ?

Les accusés devront répondre de trois crimes distincts: le meurtre de Pavlos Fyssas, une tentative de meurtre sur quatre pêcheurs Egyptiens à Perama dans le sud d’Athènes en juin 2012, l’attaque de syndicalistes communistes, à Perama également, en septembre 2013.

Le caractère « d’organisation criminelle » du parti constituera le quatrième volet de l’audience. La qualification de constitution d’organisation criminelle, réprimée par l’article 187 du code pénal grec, a jusqu’ici surtout été utilisé pour condamner des militants d’organisations d’extrême-gauche impliqués dans des manifestations violentes.

Nikos Michaloliakos et les parlementaires du parti sont poursuivis pour ce chef d’accusation, sans être directement mis en cause dans un cas précis d’acte violent, au regret des avocats des parties civiles. Lors de la sortie de détention provisoire de Michaloliakos, fin mars, son avocat avait assuré qu’il « ne retournerait pas là où certains l’ont mis illégalement, (…) son innocence sera prouvée lors du procès » où la défense plaidera la motivation politique de l’accusation.

Les 700 pages du réquisitoire sont pourtant catégoriques sur le fait qu’aucune des violences imputées aux membres du parti ne se seraient produites « si elles n’avaient pas été ordonnées et soutenues par l’organisation criminelle/le parti, notamment son niveau de commandement le plus élevé ».

« Sections d’assaut »

Les mois d’enquête judiciaire ont été accompagnés d’un grand déballage médiatique qui a mis au jour de nombreux documents photos et videos, des témoignages de repentis décrivant le fonctionnement des « sections d’assaut » du parti, leurs raids nocturnes à moto pour « casser » de l’étranger, les camps d’entraînement à la campagne avec maniement de Kalachnikov.

« Aucun acte n’est isolé, tout participe d’une stratégie coordonnée du parti », défend la partie civile qui a fait citer quelque 130 témoins pour évoquer, au-delà des seuls faits jugés, les dizaines d’agressions racistes recensées dans le pays ces dernières années.

Entré pour la première fois au Parlement en 2012, Aube dorée est arrivé en troisième position des législatives de janvier remportées par Syriza, au terme d’une campagne électorale sans les démonstrations de force habituelles.

AFP