Le ministère public a provoqué l’indignation mercredi au palais de justice d’Athènes en requérant l’acquittement du chef et des principaux cadres du parti néonazi grec Aube dorée, en procès depuis plus de quatre ans.
Dans son réquisitoire, la procureure Adamantia Economou a estimé que la culpabilité du dirigeant du parti et d’une quinzaine d’autres responsables d’Aube Dorée ne pouvait pas être établie dans le meurtre d’un rappeur antifasciste en 2013 près d’Athènes. Le fondateur et dirigeant du parti, Nikos Michalokialos, qualifié de « führer » dans l’acte de renvoi devant la justice grecque, est accusé en particulier de « direction et constitution d’organisation criminelle » et d' »instigation morale » du meurtre de Pavlos Fyssas, 34 ans.
La procureure a estimé, dans un communiqué lu à la cour, que le meurtre de ce rappeur antifasciste, poignardé le 19 septembre 2013 par un membre présumé du parti Yiorgos Roupakias, était « non prémédité » et qu' »aucun ordre » n’avait été donné pour le commettre par des responsables d’Aube dorée. La mère de la victime, Magda Fyssa, s’est dite scandalisée par le réquisitoire après plus de quatre ans de procès. « Tout ce temps, et c’est tout ce qu’ils ont compris? », a-t-elle fustigé, se demandant si elle pourrait « en supporter davantage ». Ce réquisitoire constitue une surprise pour les observateurs du procès fleuve. Le meurtre de Pavlos Fyssas, dans une apparente embuscade tendue par des sympathisants d’Aube dorée, avait choqué le pays et enclenché ce procès qualifié d' »historique » par la partie civile. Mais la procureure s’est demandée mercredi selon quelle logique Aube dorée aurait commandité un meurtre sur la place publique.
« Quel gain possible en aurait-il tiré? Un meurtre en un lieu central ? Si Fyssas avait été une cible, ils auraient pu le tuer dans un endroit caché », a-t-elle plaidé. Sur la base d’enregistrements de conversations téléphoniques entre des membres d’Aube dorée la nuit où Pavlos Fyssas a été tué, les magistrats instructeurs avaient argué que le meurtre avait été commis alors que des cadres du parti en avaient connaissance. Les 700 pages de l’acte d’accusation sont catégoriques sur le fait qu’aucune des violences imputées aux membres du parti ne se seraient produites « si elles n’avaient pas été ordonnées et soutenues par l’organisation criminelle/le parti, notamment son niveau de commandement le plus élevé ».
Organisation criminelle de type militaire pour l’accusation
L’accusation estimait qu’Aube dorée agissait comme une organisation criminelle de type militaire, qui encourageait les violences, voire les meurtres, contre les immigrés et les opposants politiques. Michalokialos, qui fut un proche du dictateur défunt Georges Papadopoulos, avait admis la responsabilité politique de la mort de Pavlos Fyssas, mais pas la responsabilité pénale. Début novembre, lors de sa première comparution, le dirigeant d’extrême droite avait plaidé « non coupable », s’insurgeant contre « un complot politique ayant comme cible le parti ». Outre le meurtre de Pavlos Fyssas, deux autres crimes sont jugés : l’attaque contre quatre pêcheurs égyptiens près du Pirée en juin 2012 et « la tentative d’homicide », en 2013, de membres du syndicat communiste Pame.
Au total quelque 70 personnes sont poursuivies dans ce procès pour divers chefs d’accusation pour lesquels elles encourent de 5 à 20 ans de prison. Le verdict est attendu début 2020. Entamé le 20 avril 2015, ce procès inédit compte déjà 350 jours d’audience, autant de témoins, plus d’une centaine d’avocats et un dossier d’instruction pesant 1,5 teraoctets. Le procès a entraîné le déclin du parti qui n’a pas réussi à faire élire de député lors des dernières élections de juillet. Aube dorée était entré pour la première fois au Parlement en 2012, surfant sur la crise et le discrédit dont souffrait alors la classe politique.
AFP