Angela Merkel et les sociaux-démocrates sont parvenus vendredi matin après plus de 24 heures de négociations à un accord de principe pour un nouveau gouvernement en Allemagne, qui doit permettre à la chancelière de rester au pouvoir.
« Oui », a indiqué une source proche des discussions à la question de savoir si un compromis avait été obtenu et validé au plus haut niveau des présidents de partis. Une élue de la famille politique de la chancelière, Dorothee Bär, a aussi confirmé l’accord en publiant une photo du document sur Twitter.
Noch ganz warm… pic.twitter.com/Wk5So2Ttu9
— Dorothee Bär (@DoroBaer) 12 janvier 2018
Et cet accord de principe doit encore être validé dans la journée de vendredi par les instances dirigeantes des trois partis concernés, les démocrates-chrétiens d’Angela Merkel (CDU et CSU) et surtout du SPD, qui est entrée à reculons dans ces discussions après une défaite cuisante lors des législatives de septembre. Ce compromis est susceptible de permettre à la première économie européenne de sortir de son impasse politique trois mois et demi après le scrutin. Et à Angela Merkel d’assurer sa survie politique, avec un possible quatrième mandat après douze ans de pouvoir.
Après un premier échec en novembre pour s’entendre sur une coalition majoritaire avec les écologistes et les libéraux, la chancelière n’avait plus le droit à l’erreur si elle voulait rester à la tête du pays. Mais rien n’est encore définitif. Côté social-démocrate, la décision d’entrer dans un nouveau gouvernement de coalition avec les conservateurs devra aussi recevoir le feu vert des délégués du parti lors d’un congrès extraordinaire le 21 janvier à l’issue très incertaine.
Ensuite des négociations détaillées sur un programme de coalition débuteront. Dans le meilleur des cas, un nouvel exécutif ne sera en place que fin mars, alors que toute l’Europe s’impatiente. La France en particulier, qui attend une réponse à ses propositions de réformes de la zone euro. C’est du reste l’une des exigences du SPD : « si nous acceptions de rentrer au gouvernement, ce ne serait qu’à la condition de renforcer l’Europe », a insisté son chef Martin Schulz jeudi. Le SPD avait dans un premier temps choisi l’opposition. Mais l’échec en novembre de discussions gouvernementales entre conservateurs, libéraux et écologistes, puis la pression du chef de l’État Frank-Walter Steinmeier, poids-lourds du SPD qui veut éviter de nouvelle élections risquant de profiter à l’extrême droite, ont contraint Martin Schulz à une volte-face délicate. La base du SPD, qui aura le dernier mot, peut toutefois encore tout faire capoter au bout du compte. Et elle reste très sceptique à l’idée de servir à nouveau d’appoint aux conservateurs.
Plus d’un Allemand sur deux pas convaincu
Plusieurs fédérations régionales puissantes, notamment celle de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, l’État fédéré le plus peuplé du pays, penchent en faveur d’un refus d’une alliance. Désireux de convaincre les militants, Martin Schulz a mis en avant les thèmes de justice sociale lors des pourparlers, réclamant d’importants investissements dans l’éducation et les infrastructures, un soutien aux classes moyennes et défavorisées, la suppression des inégalités face à l’assurance santé entre riches et pauvres et une augmentation du taux d’imposition sur les gros salaires de 42 à 45%. L’Allemagne, en pleine croissance, a les moyens d’être généreuse. Avec plus de 38 milliards d’excédent budgétaire en 2017, les caisses publiques n’ont jamais été aussi remplies depuis la réunification, selon des chiffres officiels publiés jeudi.
Les conservateurs, plus portés à l’économie qu’à la dépense, ont eux insisté sur des baisses d’impôt limité pour tous. Les deux camps se sont opposés aussi sur la politique migratoire, que les conservateurs veulent durcir tandis que le SPD a prôné un assouplissement du regroupement familial. Le contexte politique est défavorable, tant pour les démocrates-chrétiens que pour les sociaux-démocrates.
Certains médias ont déjà qualifié leur possible alliance de « coalition des perdants » car chacun a été sanctionné par les électeurs lors du scrutin législatif, marquée par la percée de l’extrême droite. Le deux camps ne représentent qu’une courte majorité des suffrages, Angela Merkel ayant remporté une victoire à la Pyrrhus avec un score historiquement bas. Une majorité d’Allemands (56%) pensent même que la chancelière quittera ses fonctions avant la fin de son éventuelle prochaine mandature, selon un sondage publié jeudi par le quotidien Handelsblatt.
Le Quotidien/AFP