En condamnant un Turc à une amende pour avoir nié le génocide arménien, la Suisse a violé sa liberté d’expression, a tranché jeudi la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH). Sans toutefois remettre en cause la pénalisation des négationnismes, en particulier concernant la Shoah.
Les propos de Dogu Perinçek, un homme politique turc qui avait qualifié publiquement le génocide arménien de 1915 de « mensonge international », n’ont pas porté atteinte « à la dignité des membres de la communauté arménienne au point d’appeler une réponse pénale en Suisse », ont estimé par 10 voix contre 7 les juges européens, dans un arrêt définitif. Notamment car ces propos « ne peuvent pas être assimilables à des appels à la haine » contre les Arméniens.
Cette décision ne concerne pas la négation du génocide des Juifs par les nazis, a par ailleurs souligné la CEDH. La précision était attendue avec impatience par les juristes européens, car ce point aurait pu avoir une incidence sur une procédure actuellement pendante en France, par laquelle un négationniste conteste la constitutionnalité de la loi réprimant la négation de l’Holocauste. Pour la CEDH, pénaliser la négation de l’Holocauste « se justifie », car une telle attitude « passe invariablement pour la traduction d’une idéologie antidémocratique et antisémite ».
« Pas de mépris ou de haine à l’égard des victimes »
En revanche, dans le cas qui lui était soumis jeudi, Dogu Perinçek n’a « pas fait preuve de mépris ou de haine à l’égard des victimes » arméniennes des massacres de 1915, ni affirmé que « les Arméniens méritaient de subir ces atrocités ou d’être anéantis », a observé la Cour européenne – qui se déclare par ailleurs « incompétente » pour prendre position quant à la réalité historique du génocide arménien.
Pour déterminer si des propos négationnistes peuvent ou doivent être poursuivis en justice, la CEDH a également souligné la nécessité de tenir compte du contexte et du pays dans lequel ces propos ont été tenus. « La négation de l’Holocauste est surtout dangereuse dans les États qui ont connu les horreurs nazies », observe la Cour. En revanche, dans le cas de Dogu Perinçek il n’y a pas de « lien direct » entre la Suisse et « les événements survenus au sein de l’Empire ottoman en 1915 ».
L’Association Suisse-Arménie s’est déclarée « consternée et profondément choquée » par la décision rendue à Strasbourg. « La liberté d’expression ne peut être utilisée aux fins de réécrire l’histoire, en cherchant à nier ou à justifier un génocide, qui est le crime le plus absolu », a-t-elle souligné dans un communiqué, dénonçant de la part de la Turquie un « négationnisme d’État ».
AFP/A.P
vous avez la tête dur hein?
avec les événements de 1915 il n’y a pas de « négationnisme »