Quelque 12 millions d’élèves font leur retour à l’école en France lundi pour une rentrée dominée médiatiquement par l’interdiction de l’abaya, longue robe traditionnelle couvrant le corps portée par certaines élèves musulmanes.
Le ministre de l’Intérieur français, Gérald Darmanin, a adressé un message aux forces de l’ordre pour souligner « le caractère sensible que revêt cette rentrée » sur les atteintes à la laïcité en milieu scolaire.
« Il y a 513 établissements que nous avons identifiés comme potentiellement concernés par cette question-là à la rentrée scolaire », a indiqué son homologue chargé de l’Éducation, Gabriel Attal, sur la radio française RTL.
La Première ministre Elisabeth Borne a assuré que cela s’était « bien passé » lundi matin et qu’il n’y avait « pas eu d’incident », même si dans certains établissements des élèves se sont présentées avec une abaya.
« Certaines jeunes filles ont accepté de la retirer. Pour les autres, on va avoir des échanges avec elles, des démarches pédagogiques pour expliquer qu’il y a une loi qui s’applique, qui proscrit le port de tout signe ou tenue par lesquels les élèves manifestent une appartenance à une religion, quelle qu’elle soit », a-t-elle ajouté lors de la visite d’une école.
La secrétaire générale du syndicat CGT, Sophie Binet, a toutefois jugé « très dangereux de faire la rentrée scolaire sur cette annonce-là ».
Cela « occulte les vraies questions » et « stigmatise une partie de la population », a-t-elle estimé sur la chaîne publique France 2.
Comme prévu par la loi de 2004 interdisant le port de signes religieux ostensibles, les élèves récalcitrants doivent être accueillis par l’établissement mais pas en classe, avant une phase de dialogue entre la famille et l’Éducation nationale.
Cette interdiction vaut aussi pour le port du qamis, version masculine de ce vêtement.
Dans le sillage du chef de l’État Emmanuel Macron qui a décidé de faire de l’école « son domaine réservé », le gouvernement, deux mois après les émeutes qui ont secoué le pays, souhaite incarner une ligne de fermeté en matière éducative, par exemple sur la laïcité ou les savoirs fondamentaux.
« Problématiques du terrain »
Si les chefs d’établissements ont salué l’interdiction, de nombreux enseignants jugent que la question de l’abaya « ne doit pas cacher les problématiques réelles du terrain ».
La rentrée se déroule en effet à nouveau sous tension en raison d’une crise du recrutement des enseignants – un phénomène pas nouveau mais qui s’est accentué depuis l’an dernier – avec cette année plus de 3.100 postes non pourvus aux concours d’enseignants dans le pays.
Emmanuel Macron a réaffirmé vendredi que la promesse d' »un professeur devant chaque classe » à la rentrée serait « tenue ».
Selon un sondage du syndicat d’enseignants SE-Unsa, mené auprès de 2 000 personnes, 68% des enseignants interrogés disent pourtant craindre qu’il y ait un manque de personnels pour la rentrée.
Pour résoudre la crise des vocations, l’exécutif met en avant sa politique de revalorisation « historique » mais, en dépit de l’effort budgétaire consenti, les syndicats ont accueilli avec beaucoup de réserve ces mesures. Et ils sont franchement hostiles à la mise en place du « pacte » qui prévoit de nouvelles hausses de rémunérations en contrepartie de nouvelles tâches, notamment pour effectuer des remplacements de courte durée.
Pour la FCPE, principale fédération de parents d’élèves, le sujet de l’abaya ne doit « pas occulter les questions liées au manque de personnels » de direction ou d’infirmières « ou la priorité à donner à la lutte contre le harcèlement, aux effectifs surchargés des classes, à la lutte contre le décrochage scolaire, aux milliers d’enfants sans toit ».