Le Premier ministre français, François Bayrou, faisait face hier à une sixième motion de censure, fragilisé par une affaire d’agressions sexuelles et de viols dans une école catholique vieille de plusieurs décennies, sur laquelle l’opposition l’accuse d’avoir menti.
Le Premier ministre français, François Bayrou, faisait face hier à une sixième motion de censure, fragilisé par une affaire d’agressions sexuelles et de viols dans une école catholique vieille de plusieurs décennies, sur laquelle l’opposition l’accuse d’avoir menti.
La motion de censure a été déposée par le Parti socialiste (PS), pourtant considéré comme la seule formation de gauche jusqu’ici prête à collaborer dans une certaine mesure avec son gouvernement – contrairement aux écologistes, aux communistes ou à la gauche radicale.
Le texte évoque l’affaire de violences dans une école du sud-ouest de la France, Notre-Dame-de-Bétharram, dans laquelle plusieurs de ses enfants ont été scolarisés, estimant que le «Premier ministre ne peut se soustraire aux interrogations légitimes des victimes et de leurs proches, de la représentation nationale et de la presse».
«Bétharram», cette institution catholique presque bicentenaire, avec son pensionnat à la réputation «stricte», qui a attiré pendant des décennies de bonnes familles du grand Sud-Ouest ainsi que d’autres, de toutes classes sociales, est aujourd’hui au cœur d’une vaste enquête sur des violences, agressions sexuelles et viols.
Les châtiments corporels – gifles, violences, adolescents laissés en sous-vêtements en plein hiver par punition – pour «mater» les plus «turbulents», y étaient très fréquents, selon plusieurs avocats et témoins interrogés.
«Prédateurs»
À ce climat de «violence gratuite», s’est en outre greffé au sein du pensionnat «un système de prédateurs» longtemps tu, décrit Alain Esquerre, le porte-parole des victimes de l’établissement. Parmi les récits des victimes âgées entre 8 et 13 ans à l’époque des faits : des masturbations et fellations imposées ou subies plusieurs fois par semaine, des châtiments corporels, menaces et humiliations.
Au total, 112 plaintes ont été déposées auprès du parquet de Pau, qui a ouvert une enquête l’année dernière pour des violences, agressions sexuelles et viols commis essentiellement entre les années 1970 et 1990.
Or François Bayrou, 73 ans, ancien candidat centriste à la présidentielle et figure récurrente de la politique française, a été ministre de l’Education entre 1993 et 1997. S’il se défend de n’avoir «jamais été informé» des crimes et délits à Bétharram, il a expliqué avoir diligenté une inspection générale dès qu’il a appris, en 1996, le dépôt d’une première plainte d’un élève, camarade de classe d’un de ses fils, giflé violemment par le surveillant général.
«Est-ce que vous croyez que nous aurions scolarisé nos enfants dans des établissements dont il aurait été soupçonné ou affirmé qu’ils se passent des choses de cet ordrex, s’est-il ému devant l’Assemblée nationale.
Plusieurs députés l’accusent pourtant d’avoir menti devant la représentation nationale. Il y a aussi ce gendarme chargé de l’enquête sur le père Carricart, ex-directeur de l’institution accusé de viol en 1998, qui évoque une «intervention» de François Bayrou auprès de la justice à l’époque, alors qu’il est député.
«Misérable polémique»
Le juge qui enquête sur le viol en 1998 a également relaté dans plusieurs médias que François Bayrou avait «fait la démarche de venir» le voir lorsque le prêtre était en détention, mais sans «jamais» parler du dossier.
Mardi, le Premier ministre a encore martelé n’être «jamais» intervenu, «ni de près ni de loin» auprès de la justice et a contre-attaqué en visant le gouvernement socialiste de Lionel Jospin, au pouvoir à la fin des années 1990. Ce gouvernement avait succédé à celui dans lequel il fut ministre de l’Éducation. Des propos relevant d’une «misérable polémique politicienne», a réagi Elisabeth Guigou, alors ministre de la Justice.
La France navigue en eaux troubles depuis la dissolution de l’Assemblée début juin, décidée par le président Emmanuel Macron dans la foulée de la déroute de son camp aux élections européennes. Depuis, l’Assemblée est divisée en trois blocs (gauche, centre-droit, extrême droite), aucun n’ayant la majorité.
Outre l’affaire Bétharram, la gauche reproche au gouvernement de Bayrou d’avoir trop fait de concessions en faveur de l’extrême droite. Le PS vise notamment le débat polémique ouvert sur le droit du sol par le ministre de la Justice Gérald Darmanin. Bayrou a aussi été vivement critiqué à gauche lorsqu’il a évoqué récemment un « sentiment de submersion » migratoire en France.
Bayrou avait été brièvement ministre de la Justice en 2017, avant de démissionner en raison d’une enquête sur des soupçons d’emploi fictifs.