Sophie Binet, 41 ans, première femme de l’histoire de la CGT à occuper le poste de secrétaire générale, est une représentante du syndicat des cadres, un profil inattendu pour diriger la deuxième organisation syndicale française, encore structurée autour de puissants bastions ouvriers.
À peine l’annonce de son élection rendue publique à la tribune du 53e Congrès, Sophie Binet a entonné avec la salle le chant des militants de la fédération Mines Energie : « Emmanuel Macron, si tu continues, il va faire tout noir chez toi » – manière de tendre la main à cette CGT en pointe dans la lutte contre la réforme des retraites, en conflit ouvert avec la direction sortante. Elle s’est aussi adjoint comme administrateur le secrétaire général de la fédération des Cheminots, Laurent Brun, opposant déclaré à Philippe Martinez.
Secrétaire générale du syndicat des cadres CGT (l’Ugict) depuis 2018, elle est issue de la Commission exécutive confédérale, la direction élargie de la CGT, et était référente du collectif femmes mixité. Féministe, elle a cosigné l’ouvrage Féministe, la CGT ? Les femmes, leur travail et l’action syndicale, publié en 2019. Ancienne membre du PS, elle est aussi engagée sur les questions environnementales.
Dans son premier discours comme secrétaire générale, Sophie Binet s’est félicitée des « orientations claires » adoptées par la CGT jeudi sur les « questions environnementales et sociales », soulignant qu’il fallait savoir « être capable de porter au même niveau fin du monde et fins de mois ». Elle a rappelé l’importance des luttes contre les violences sexistes et sexuelles, qui ne « peuvent pas être secondaires ».
Sa candidature avait été évoquée au cours des derniers mois, mais son appartenance au syndicat des cadres apparaissait comme un handicap. « Pour certains ça ne passe pas », a témoigné un proche.
« Balle au centre »
Elle a été conseillère principale d’éducation (CPE) en lycée professionnel à Marseille, puis au Blanc-Mesnil (Seine-Saint-Denis) de 2008 à 2010. Secrétaire générale de l’Union locale de la CGT de Metz, Nathalie Nasienniak s’est dite « ravie » de son élection vendredi. « Elle a beaucoup défendu la cause des femmes, c’est une cadre dans la petite hiérarchie, il ne faut pas faire de procès d’intention. C’est une femme rassembleuse », dit-elle.
Candidate par « défaut », élue après que ni Marie Buisson, la candidate proposée par Philippe Martinez, ni sa concurrente Céline Verzeletti n’ont réussi à rassembler une majorité, Sophie Binet apparaissait ce vendredi aux yeux de nombre de congressistes comme la plus à même de rassembler l’organisation.
« C’est quelqu’un qui a de l’expérience, c’était important que ce soit une femme pour tous les camarades. Ça règle les comptes, c’est balle au centre car c’est quelqu’un de neutre : c’est un autre choix que celui de Philippe Martinez, ce n’est pas l’opposition non plus donc c’est bien. On a depuis longtemps des cadres, on a besoin de cadres à la CGT, c’est aussi une bonne issue », s’est félicité Nicolas Hinderschiett, représentant d’ArcelorMittal.
Sophie Binet est une militante de longue date : engagée à la direction de l’Unef lors de la mobilisation contre le CPE en 2006, elle est entrée à la direction de l’Ugict-CGT en 2011. Regard clair et visage lumineux, Sophie Binet est à l’aise sur les plateaux de télévision comme derrière un micro à la tribune. « Elle est déterminée, enthousiaste, charismatique », s’enthousiasmait vendredi Thomas Deregnaucourt, membre de l’Ugict, saluant aussi le fait que la CGT envoie avec son élection « un signe qu’on est en phase avec le salariat ».