Les Français ont pris d’assaut les sites de rendez-vous de vaccination après les annonces d’Emmanuel Macron rendant la vaccination obligatoire des soignants et assimilés, et un pass sanitaire étendu à la plupart des lieux publics pour contrecarrer le contagieux variant Delta.
Bars, restaurants, centres commerciaux et transports (sauf le transport local) seront soumis à ce pass (vaccination ou test négatif) ainsi que les lieux culturels comme les cinémas et théâtres, où les jauges venaient d’être supprimées fin juin.
Le gouvernement s’inquiète de la progression du variant Delta, au moins deux fois plus contagieux que les souches précédentes et qui représente plus de 60% des 4.000 à 5.000 nouveaux cas quotidiens. Un chiffre qui pourrait flamber à 35 000 nouvelles contaminations début août en l’absence d’efforts pour limiter la circulation du virus, selon une modélisation mise à jour le 12 juillet par l’Institut Pasteur.
L’effet des annonces du président a été immédiat. « Près de 1,3 million de rendez-vous » ont été pris sur le site Doctolib entre l’allocution d’Emmanuel Macron et mardi à la mi-journée, selon un tweet de son patron Stanislas Niox-Chateau.
« Il n’y a pas d’obligation vaccinale, il y a une incitation maximale », a souligné le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal, « satisfait de voir que le message du président de la République a été entendu ». C’est « une nouvelle course de vitesse qui est engagée » grâce à l' »atout maître » des vaccins, a dit le chef de l’État. Le taux d’incidence du virus (nombre de personnes testées positives sur 100 000 habitants) a grimpé à 37,4, contre moins du double fin juin (15 pour 100 000), avec neuf départements au-delà du seuil d’alerte (50).
« Pas un chantage »
Pour mettre la pression sur les non-vaccinés, le gouvernement a choisi d’étendre le pass sanitaire, jusque-là prévu pour les rassemblements de plus de 1 000 personnes. À partir du 21 juillet, il sera nécessaire pour les « lieux de loisirs et de culture ». Cinémas et théâtres regrettent que cette mesure leur soit imposée avec dix jours d’avance sur d’autres. Les cafés, restaurants, centres commerciaux, et tout leur personnel, auront en effet jusqu’à début août pour s’organiser. Même chose pour les transporteurs (avions, trains ou autocars de longs trajets), ainsi que pour les établissements médicaux.
Ce n’est pas du « chantage », estime le ministre de la Santé Olivier Véran, qui justifie cette mesure pour éviter de « refermer le pays », en prévoyant de la souplesse pour certains secteurs comme les bars-restaurants. Le gouvernement a promis aussi d’être « pragmatique » avec les adolescents admis dans la campagne vaccinale seulement à la mi-juin : « Il est hors de question d’imposer un été infernal » aux moins de 18 ans, a souligné Gabriel Attal.
Comme l’ont réclamé de nombreux experts et responsables politiques, la vaccination deviendra obligatoire pour les personnels soignants et non soignants des hôpitaux et maisons de retraite, les professionnels et bénévoles auprès des personnes âgées, y compris à domicile, ainsi que les pompiers ou les ambulanciers. Mais pas pour les policiers et les gendarmes.
Quelque 4 millions de personnes sont concernées dont 1,5 non vaccinées, selon Gabriel Attal. Elles auront jusqu’au 15 septembre pour le faire, sous peine de « sanctions » qui peuvent aller de la suspension du contrat de travail, à la mise à pied voire à un licenciement.
« Abus de pouvoir ? »
Patrice Ramillon, représentant FO au centre hospitalier de Lens, s’est dit « un peu inquiet » du risque que « l’obligation pousse certains soignants à arrêter la profession » alors que les hôpitaux « auront besoin de toutes leurs forces vives à la rentrée ». Les autorités vont également renforcer le dispositif « aller vers » pour vacciner les personnes âgées (plus de 80 ans notamment), les plus de 60 ans et les personnes jeunes à risque, dont celles souffrant d’obésité, dont seules 50 % sont protégées.
Pour que ces mesures soient appliquées « le plus vite possible », selon un parlementaire, le Parlement siègera en session extraordinaire à partir du 21 juillet. L’écrasante majorité des forces politiques ont approuvé la vaccination obligatoire pour les soignants et assimilés, à l’exception de LFI où Jean-Luc Mélenchon a dénoncé un « abus de pouvoir » et que la cheffe du RN a qualifié de « brutalité indécente ».
Les annonces du chef de l’État ont également électrisé la mouvance « covido-sceptique », qui compte des centaines de milliers d’activistes sur les réseaux sociaux et dénonce depuis des mois une « dictature sanitaire » dans les mesures prises par les autorités, dont l’état d’urgence sanitaire qui sera reconduit jusqu’à la fin de l’année.
Gabriel Attal a dit avoir « du mal à entendre, dans un pays où vous avez déjà 11 vaccins obligatoires », que l’incitation à se vacciner, destinée à éviter d’avoir à « reprendre des mesures de restrictions sur les libertés des Français, soit vue comme une dictature ». À l’adresse des hésitants à la vaccination, le porte-parole a estimé que « l’heure n’est plus au doute », puisqu’on a « un recul de quasiment un an sur les vaccins », qui sont « sûrs et efficaces ».
AFP/LQ