Les Français ont à nouveau manifesté massivement mardi contre la réforme des retraites, une mobilisation « historique » pour les syndicats, qui ont demandé à être reçus « en urgence » par le président Emmanuel Macron, dénonçant son « silence ».
« Le gouvernement doit dès maintenant retirer son projet », a déclaré l’intersyndicale lors d’une déclaration en soirée, à l’issue d’une journée qui a vu entre 1,28 et 3,5 millions de Français battre le pavé, dépassant le record établi le 31 janvier.
L’intersyndicale, qui compte 8 organisations, a d’ores et déjà appelé à une nouvelle journée de manifestations samedi 11 mars et une nouvelle mobilisation interprofessionnelle la semaine prochaine.
Le taux de grévistes a en revanche connu une légère érosion par rapport aux meilleurs scores enregistrés depuis le début du mouvement, chez les cheminots (39% contre 46,3% le 19 janvier) comme chez les enseignants.
Dans la fonction publique d’Etat dans son ensemble, près d’un agent sur quatre était en grève, contre 28% lors de la première journée d’action le 19 janvier, et des blocages ont eu lieu dans des universités et lycées.
Face à la mobilisation de millions de Français qui ont manifesté et fait grève depuis janvier au cours de six journées d’action, « le silence du président de la République constitue un grave problème démocratique », a lancé l’intersyndicale. Elle a demandé à être « reçue en urgence » par le chef de l’Etat, qui a jusque-là laissé sa Première ministre Elisabeth Borne en première ligne.
Au même moment, le Sénat examinait l’article pivot du projet de réforme, prévoyant un recul de l’âge de départ à la retraite à 64 ans, qui cristallise le rejet d’une majorité de Français.
Le gouvernement compte sur l’adoption de la réforme au Sénat d’ici dimanche, et envisage « un vote le 16 mars » dans les deux chambres du Parlement.
« Gouvernement fébrile »
Peu avant le départ du cortège parisien en début d’après-midi, le secrétaire général du syndicat réformiste CFDT Laurent Berger avait salué une « mobilisation historique au regard des 40 ou 50 dernières années ». Son homologue de la CGT Philippe Martinez a mis en garde l’exécutif contre « un passage en force » qui « ne ferait que mettre le feu aux poudres ».
Le cortège parisien, émaillé de quelques incidents, a réuni 700.000 personnes selon la CGT, 81.000 selon la préfecture.
Partout en France, les cortèges étaient fournis.
« Le gouvernement est fébrile, à un moment il faut qu’il reste connecté à la vraie vie (…) je pense qu’on va continuer jusqu’à temps qu’il lâche », a assuré Bertrand Pounot, un manifestant de 48 ans à Albi (sud).
Quelques échauffourées et tirs de projectiles ont été signalés, notamment à Paris ou encore à Lyon (est) et Rennes (ouest), où les forces de l’ordre ont utilisé des engins lanceurs d’eau.
De nombreux barrages routiers ont été recensés, des coupures sauvages d’électricité ont eu lieu dans le nord, et les expéditions de carburants ont été bloquées mardi matin à la sortie de « toutes les raffineries », de source syndicale.
Cette sixième journée marque le lancement ou la poursuite de grèves reconductibles dans plusieurs secteurs, des transports aux raffineries en passant par l’énergie, le commerce ou les déchets.
Face « à la situation de blocage », Emmanuel Macron doit « trouver une sortie par le haut », « ou bien une dissolution » de l’Assemblée nationale, « ou bien un référendum », a plaidé le leader de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon (LFI) à Marseille (sud).
Emmanuel Macron joue une part importante de son crédit politique sur cette réforme.
La France est l’un des pays européens où l’âge légal de départ à la retraite est le plus bas, sans que les systèmes de retraite soient complètement comparables. Le gouvernement a choisi de le relever pour répondre à une dégradation financière des caisses de retraite et au vieillissement de la population.