Sans annoncer de soutien à Emmanuel Macron mais en semblant préparer l’après-présidentielle, Manuel Valls a lâché mardi le candidat socialiste Benoît Hamon, qui a dénoncé son absence de parrainage comme une trahison des électeurs de la primaire.
« Je ne parrainerai personne et je n’ai aucune leçon de responsabilité ou de loyauté à recevoir », a lancé l’ancien Premier ministre, critiqué par une partie du PS pour ce choix, selon des participants à cette réunion à huis clos dans la salle Colbert de l’Assemblée nationale.
« Je ne peux pas me retrouver dans ce que je considère comme une dérive (…) Nous ne pouvons pas accepter une gauche qui se replie sur elle-même et parfois dans une forme de sectarisme », a encore lancé ce député devant environ 300 personnes, dont une centaine de parlementaires, selon des témoins.
Et « nous ne voulons ni du FN, ni d’un second tour Fillon/Le Pen » mais que « le camp progressiste, la gauche, l’emporte ».
Discret depuis sa défaite à la primaire socialiste fin janvier, hormis deux réunions devant ses partisans, M. Valls est sorti de son silence mardi en annonçant à Paris Match qu’il ne parrainerait pas Benoît Hamon. Il a plaidé qu’il ne pouvait « pas assumer autant de contradictions » après l’accord entre le vainqueur de la primaire avec le candidat d’EELV Yannick Jadot.
Cette position contraste avec celle à droite d’Alain Juppé, parrain de François Fillon malgré de profonds désaccords. Elle a suscité d’autant plus la consternation des hamonistes que M. Valls, comme les autres candidats, s’était engagé à soutenir le vainqueur de la primaire.
« Moi, je ne me sens pas trahi, mais sans doute les électeurs de la primaire se sentent-ils aujourd’hui trahis », a déploré M. Hamon dans le JT de TF1, appelant « les Français de gauche à submerger ces petits calculs ». « Comment lutter efficacement contre le Front national quand justement soi-même on ne respecte pas le verdict des urnes », a aussi demandé ce député et ancien ministre.
« Nous sommes des élus. Le résultat de l’élection, c’est sacré. Nous ne pouvons pas trahir des engagements pris auprès des Français », a tancé de son côté le patron des députés PS, Olivier Faure.
Manuel Valls, qui avait démenti lundi des informations de presse sur son éventuel soutien à Emmanuel Macron avant le premier tour, a toutefois semblé faire un pas vers la recomposition politique promise en cas de victoire de son ancien ministre et rival.
Reprenant l’idée d’une « maison des progressistes » abordée en 2014, il a défendu « des coalitions à la française » avec « des accords sur des sujets essentiels » grâce à une force politique qui regrouperait « la gauche de responsabilité ». Des scénarios probables au cas où M. Macron accèderait à l’Elysée et n’aurait pas de majorité nette à l’Assemblée.
Dans l’immédiat, les proches de l’ex-locataire de Matignon semblent divisés face à l’attitude à adopter vis-à-vis du candidat de 39 ans, devenu dans les sondages le favori pour la présidentielle.
Certains défendent une posture légitimiste, même « silencieuse », en faveur de M. Hamon, d’autres souhaitent un ralliement à M. Macron s’il parvient au second tour. D’autres encore poussent pour un soutien avant le premier tour du candidat d’En Marche!.
« J’ai le plus grand respect pour les choix de chacun d’entre vous. Il y a une liberté. C’est nouveau et c’est ainsi », leur a dit leur patron.
Une dernière option, qui aurait la préférence de M. Valls selon un de ses proches, serait de n’annoncer un soutien à M. Macron que si l’hypothèse d’un second tour François Fillon- Marine Le Pen reprenait corps.
Car un rapprochement trop précoce avec M. Macron pourrait aussi se heurter à une porte largement fermée aux soutiens tardifs, à un peu plus d’un mois du premier tour.
« Je n’ai pas fondé une maison d’hôtes », a lancé le candidat d’En Marche! en déplacement à Lille, disant ne pas vouloir consacrer son temps « à parler des vicissitudes des partis qui ne m’intéressent pas ».
« Il ne s’agit pas de négocier, de se rallier ou de rejoindre une maison d’hôte. Ce n’est pas le sujet. Nous devons rester groupés et rassemblés. Sur le fond », a exhorté mardi soir M. Valls.
Pour un ténor socialiste, « Manuel Valls cherche à revenir dans le film. Il voudrait être un faiseur de rois, de majorité », mais « s’est tiré une rafale dans le pied » en ne parrainant pas.
Le Quotidien / AFP