Le résistant communiste d’origine arménienne Missak Manouchian, figure de la lutte contre l’occupation nazie en France durant la Seconde Guerre mondiale, va entrer au Panthéon à Paris, monument où le pays honore celles et ceux qui ont marqué son histoire, a annoncé dimanche la présidence française.
« Missak Manouchian porte une part de notre grandeur », selon un communiqué de la présidence saluant sa « bravoure » et son « héroïsme tranquille ». Il « incarne les valeurs universelles » de liberté, égalité, fraternité au nom desquelles il a « défendu la République ».
Missak Manouchian fera son entrée au Panthéon le 21 février 2024, soit tout juste 80 ans après sa mort, a précisé l’Élysée.
Le président Emmanuel Macron, qui salue la « bravoure » et « l’héroïsme tranquille » de Missak Manouchian, rend aussi hommage, à travers lui, à tous ses compagnons d’armes étrangers, Espagnols, Italiens ou Juifs d’Europe centrale, soulignant: « le sang versé pour la France a la même couleur pour tous ».
Missak Manouchian entrera au Panthéon « accompagné de Mélinée », son épouse d’origine arménienne, résistante comme lui et qui lui survécut 45 ans, a précisé la présidence. Le couple reste ainsi uni dans la mort mais Mélinée n’est pas elle-même panthéonisée.
Cette annonce intervient à l’occasion du 83e anniversaire de l’Appel du 18 Juin lancé en 1940 par le général de Gaulle depuis Londres. Comme chaque année, le président va le commémorer en matinée au Mont-Valérien, près de Paris, où un millier de résistants et otages dont Missak Manouchian furent exécutés par l’armée allemande pendant l’Occupation.
Missak Manouchian devient le neuvième membre de la Résistance à faire son entrée au Panthéon depuis le transfert des cendres de Jean Moulin en 1964. Il est aussi le premier résistant étranger et communiste à être ainsi honoré, aux côtés de Voltaire, Victor Hugo ou Marie Curie.
Rescapé du génocide arménien, apatride, réfugié en France en 1925, Missak Manouchian rejoignit en 1943 la résistance communiste, devenant le chef militaire en région parisienne d’un groupe de résistants étrangers, les Francs-tireurs et partisans-Main d’œuvre immigrée (FTP-MOI).
Arrêté en novembre 1943, il a été fusillé par l’armée allemande, à l’âge de 37 ans, le 21 février 1944 au Mont-Valérien.
Célébré par des artistes français comme le poète Louis Aragon et le chanteur Léo Ferré, il est aussi entré dans la mémoire collective à travers « l’Affiche rouge », placardée dans tout Paris par la propagande nazie durant son procès mais devenue depuis un symbole de courage et d’engagement.
« Message d’intégration »
Dix membres du réseau Manouchian, dont lui-même, y figurent, photo noir et blanc à l’appui, sur fond rouge sang, présentés comme « l’armée du crime » et accusés de dizaines d’attentats.
Missak Manouchian est également un héros national en Arménie, tout comme le chanteur français Charles Aznavour qu’il connut d’ailleurs enfant car il fut hébergé par ses parents à Paris.
Depuis 2017, Emmanuel Macron a déjà fait accueillir trois grandes figures dans ce temple républicain : la femme d’État Simone Veil, l’écrivain Maurice Genevoix et la chanteuse franco-américaine Joséphine Baker, première personne noire et première artiste à rejoindre le Panthéon.
La panthéonisation de Missak Manouchian était ardemment souhaitée par la gauche française, notamment le Parti communiste.
« Pour nous, l’essentiel c’est que ce soit un étranger mort pour la France qui entre au Panthéon », souligne le sénateur communiste Pierre Ouzoulias, dont le grand-père, Albert, fut le chef de Missak Manouchian dans la Résistance.
« Ça dit beaucoup de ce qu’est la Nation française », c’est un « message fort d’intégration pour les jeunes d’aujourd’hui », a-t-il déclaré.
Parallèlement, 91 résistants et otages étrangers également fusillés au Mont-Valérien sont aussi reconnus « morts pour la France ».
Au Mont-Valérien, le chef de l’État va se recueillir dans la clairière des Fusillés, où résistants et otages furent exécutés par l’armée allemande.
Il décorera un survivant du groupe FTP-MOI, Robert Birenbaum. Sera également présent Georges Duffau-Epstein, fils du résistant Joseph Epstein qui fut arrêté en même temps que Missak Manouchian lors d’un rendez-vous clandestin.
Le chef de l’État entendra ensuite l’Appel du 18 Juin et le Chant des partisans – l’hymne de la Résistance française pendant l’occupation par l’Allemagne nazie – avant un temps de recueillement dans la crypte du Mont-Valérien, où sont inhumés 16 résistants officiers et soldats morts pour la France en 1939-45, ainsi que Hubert Germain, dernier Compagnon de la Libération.
L’hommage rendu ce dimanche s’inscrit dans une longue séquence mémorielle autour du 80ᵉ anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale qui se poursuivra en 2024 avec le Débarquement en Normandie et la Libération de Paris.