Au bout de quatre jours de débats nourris et souvent houleux, l’Assemblée nationale a adopté le second volet des mesures en soutien au pouvoir d’achat, avec des contorsions qui suscitaient encore mercredi la colère des oppositions RN et Nupes.
Les députés ont voté en première lecture ce projet de budget rectifié pour 2022 par 293 voix contre 146, et 17 abstentions. Les Républicains, auxquels l’exécutif a donné à plusieurs reprises satisfaction, ont soutenu le texte.
Les députés du Rassemblement national, en revanche, n’ont pas pris part au vote: ils ont quitté l’hémicycle en protestation contre la manière dont l’Assemblée est revenue sur une revalorisation supplémentaire de 500 millions d’euros pour les pensions de retraite, approuvée quelques heures plus tôt. Le gouvernement a demandé une seconde délibération pour annuler une mesure qu’il combattait, suscitant un débat houleux, avec des échanges virulents entre le ministre de l’Economie Bruno Le Maire, la Nupes et le RN.
« Enveloppe budgétaire »
Au final, après ce premier round, en forme de test pour le gouvernement Borne privé de majorité absolue, Bruno Le Maire s’est félicité mercredi sur France Inter que les débats à l’Assemblée aient permis de « rester dans l’enveloppe budgétaire » initialement prévue par le gouvernement. La présidente par intérim des Républicains Annie Genevard a reconnu pour sa part que son parti était sur « une ligne de crête compliquée », alors que son soutien au projet de loi et à la seconde délibération lui a valu des accusations de « trahison » de la part du RN.
« Sur ces trois premiers textes de loi, nous avons obtenu beaucoup de choses, ce qui nous a amenés à les voter mais le quinquennat n’est pas fini, on va attaquer le dur à la rentrée avec tout ce qui touche à la sécurité qui a été quand même la grande oubliée du précédent quinquennat, la réforme du marché du travail, on jouera pleinement notre rôle », a-t-elle averti sur Europe 1. La Nupes et le RN ne décoléraient pas mercredi.
« Le PLFR2022 +pouvoir d’achat+ s’est conclu par un vote contre le pouvoir d’achat des retraités. Je suis certain que cette petite victoire du bloc bourgeois LREM/LR lui promet de grandes défaites à l’avenir », a tweeté le président de la commission des Finances Eric Coquerel (LFI). Le groupe LFI prévoit aussi un recours au Conseil constitutionnel concernant la suppression de la redevance audiovisuelle.
« Refus de taxer les super-profits. Pas de revalorisation des prestations ou pensions au niveau de l’inflation. Suppression de la redevance remplacée par un bricolage qui fragilise l’audiovisuel public. Mépris des oppositions », a aussi réagi le chef des députés socialistes Boris Vallaud.
Côté RN, le député Sébastien Chenu a estimé qu’il y avait eu « cette nuit 3 perdants: les retraités pour lesquels nous avions obtenu 500 millions d’aides ; les électeurs des Republicains trahis par leurs élus (en pleine nuit c’est moins voyant!) ; et la démocratie piétinée par la brutalité de la Macronie-la fameuse nouvelle methode sans doute! ».
Vendredi au petit matin, l’Assemblée avait déjà adopté le premier volet, soit les 20 milliards d’euros du projet de loi d' »urgence » en soutien au pouvoir d’achat, face à l’inflation galopante. Le projet de budget rectifié ouvre lui 44 milliards d’euros de crédits, dont 9,7 pour financer la renationalisation à 100% d’EDF. Poursuite du bouclier tarifaire sur l’énergie et de la remise carburant à 30 centimes le litre en septembre-octobre puis 10 en novembre-décembre, revalorisation du point d’indice des fonctionnaires étaient également au menu.
La droite satisfaite
Le patron des députés LR Olivier Marleix s’est dit satisfait du « bras de fer positif avec le gouvernement » qui a permis d’engranger une série de mesures sur le carburant, le rachat des RTT par les entreprises et encore la défiscalisation des heures supplémentaires. Côté RN, les élus ont déploré le rejet de leurs propositions de baisses de TVA, et plus globalement la politique économique et fiscale de l’exécutif.
« Bruno Le Maire a confirmé hier soir la fin des tarifs réglementés du gaz au 1er juillet 2023. Les prix seront alors hors contrôle ! », a dénoncé la cheffe des députés RN Marine Le Pen sur Twitter. Le vote sur ce texte structurant pour les finances publiques a été beaucoup moins large que celui il y a cinq jours sur le premier volet. Il comprenait lui les revalorisations des pensions et prestations sociales, la hausse du plafond de la « prime Macron » et encore, voté dans un rare moment de concorde, la déconjugalisation de l’allocation adultes handicapés.
Les échanges dans l’hémicycle, qui ont duré huit jours et nuits au total, ont été parfois chaotiques, et la majorité a été mise en minorité à plusieurs reprises.
Mardi soir, par exemple, l’Assemblée a dénoncé, contre l’avis du gouvernement, l’extraterritorialité américaine qui impose aux citoyens français nés aux Etats-Unis d’y payer des impôts. Elle a approuvé, contre l’avis du gouvernement, un amendement LR à portée avant tout symbolique. La veille, ils avaient déjà approuvé 230 millions d’euros pour les foyers se chauffant au fioul contre l’avis de l’exécutif, qui privilégiait lui une aide de 50 millions d’euros. M.
Samedi, l’Assemblée a décidé d’allouer 120 millions aux départements qui versent le RSA en 2022, pour compenser intégralement la hausse de 4% de cette prestation programmée par l’Etat. La mesure a été obtenue par la conjonction des votes favorables de la gauche, du RN, des LR mais aussi des députés du groupe Horizons. C’est la première fois que ces alliés de la majorité marquaient leur différence.