Après quatre jours de discussions et au bout d’une nuit entière de débats houleux, les députés ont adopté en première lecture le projet de loi « d’urgence » pour le pouvoir d’achat, un texte protéiforme censé atténuer les effets de l’inflation et de la crise énergétique.
Le texte faisait office de test pour le camp présidentiel. Désormais privé de majorité absolue, il a dû compter sur le soutien des élus LR et du RN qui ont timidement salué certaines « avancées » tandis que la gauche s’indignait d’un projet en forme de « déclaration de guerre aux salaires ».
Au bout d’une nuit émaillée d’invectives, le premier grand texte de la législature a été validé peu avant 6 h du matin par 341 voix pour, 116 contre et 21 abstentions. « Ayatollahs verts », « fachos », « nullités énergétiques »: les attaques ont fusé pendant de longues heures, donnant parfois à l’Assemblée des airs d’enceinte incontrôlable.
Les hostilités pourraient reprendre rapidement puisque les députés commencent vendredi 15 h à examiner le projet de loi de finances rectificatives qui complète ces mesures et comporte quelques propositions explosives telles que la suppression de la redevance audiovisuelle.
« Lâcher du lest »
Difficile de résumer le texte adopté par l’Assemblée. Il prévoit notamment le triplement à 6 000 euros du plafonnement de la prime Macron, le plafonnement de la hausse des loyers à 3,5% dans l’Hexagone et la facilitation de la résiliation en ligne des abonnements.
Au cours d’un très rare moment de concorde, les députés ont voté à l’unanimité mercredi la déconjugalisation de l’allocation adultes handicapés, une mesure réclamée de toutes parts mais que l’exécutif avait refusée lors de la précédente législature.
« La colère du peuple vous a obligé à lâcher du lest », a savouré Hadrien Clouet, au nom d’un groupe LFI très offensif. Plus mesuré, Gérard Leseul, pour le groupe PS, a déploré que la méthode de l’exécutif n’ait « pas changé » malgré le souhait affiché d’une recherche de compromis. Dans les faits, les quelques amendements des oppositions qui ont reçu le soutien du gouvernement venaient en grande majorité des bancs de LR. Résumant la position de son groupe sur le projet de loi, Thibault Bazin a d’ailleurs évoqué certaines mesures allant « dans le bon sens » tout en restant « très insuffisantes ».
En quête de respectabilité, le RN qui avait affiché sa volonté de voter le texte a évoqué de « maigres mais réels gains de pouvoir d’achat » malgré de nombreuses carences.
C’est notamment sur le volet énergétique que le texte gouvernemental a essuyé de très sévères critiques. Afin de parer à une possible fermeture du robinet à gaz russe, le projet de loi introduit des mesures qui ont fait des remous de part et d’autres de l’hémicycle.
« Pure folie »
Les députés de gauche se sont notamment élevés contre l’instauration de dérogations au droit de l’environnement afin d’accélérer la mise en service d’un terminal méthanier au Havre à même d’acheminer du gaz en provenance d’autres pays que la Russie, et par lequel pourrait transiter du gaz de schiste américain.
Une telle décision est « suicidaire », a tonné l’écologiste Delphine Batho. « Si la décision c’est de remplacer le gaz de Poutine par du gaz de schiste américain, c’est une pure folie ».
L’exécutif a tenté de se défendre. « On parle de remplacer une énergie fossile par une autre énergie fossile. Pas d’émettre plus de CO2 », a lancé la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher mais sans convaincre la gauche.
Un autre article du texte, offrant un cadre légal au redémarrage prochain de la centrale à charbon de Saint-Avold, n’a pas fait hurler que les Verts. Elle a également fait tiquer les LR et le RN, qui y vont vu la conséquence « désastreuse » de la politique énergétique du gouvernement.
« Ce retour au charbon n’est pas une bonne nouvelle », a convenu la rapporteure LREM Maud Bregeon, qui a toutefois défendu un recours « temporaire » pour répondre à une « situation exceptionnelle ». Au milieu des tensions, l’examen du texte a réservé une petite surprise : l’autorisation, avec l’aval du gouvernement, de l’utilisation des huiles usagées comme carburant. « En France, on n’a a pas de pétrole mais on a de l’huile de friture », a plaisanté Julien Bayou (EELV) à l’origine de cet amendement.