La mise en service de l’EPR de Flamanville sera encore retardée d’au moins trois ans à la suite des problèmes de soudures, a admis vendredi EDF, qui prendra plusieurs mois pour préciser le nouveau calendrier et les coûts du chantier.
L’électricien planche actuellement sur trois scénarios pour réparer des soudures du réacteur de nouvelle génération, qui doivent être reprises à la demande de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). « Le temps qu’il faudra pour préparer la réparation, effectuer la réparation, tester la réparation, faire valider par l’ASN ce que nous avons fait et ensuite remettre l’installation en situation d’être à nouveau testée et préparée pour une mise en service… Ceci nous amène des délais de plus de trois ans », a déclaré le PDG d’EDF, Jean-Bernard Lévy. « Donc, nous ne pensons pas qu’une mise en service soit envisageable avant fin 2022 », a-t-il poursuivi lors d’une conférence téléphonique avec des journalistes.
« Après instruction détaillée des trois scénarios et échanges avec l’ASN, le groupe communiquera dans les prochains mois sur les implications du scénario retenu en termes de planning et de coût », indique EDF.
Le chargement du combustible nucléaire était jusqu’à présent officiellement prévu fin 2019 pour une enveloppe de 10,9 milliards d’euros. Le calendrier et les coûts ont déjà dérapé à de multiples reprises.
Les réparations s’annoncent complexes car elles concernent huit soudures difficilement accessibles, situées dans la traversée de l’enceinte de confinement, la grosse structure de béton qui doit retenir les éléments radioactifs en cas d’accident.
Un abandon évoqué par l’Etat français mais écarté
EDF envisage trois méthodes : extraire les tuyaux par l’extérieur du bâtiment, intervenir directement par l’espace étroit entre les enceintes ou faire intervenir un robot dans la tuyauterie. Le premier scénario semble avoir « la faisabilité la plus acquise », a dit récemment un dirigeant d’EDF devant des parlementaires.
« Aujourd’hui nous ne sommes pas en mesure de dire lequel de ces trois scénarios tient la corde », a indiqué Jean-Bernard Lévy. Le dossier est très sensible pour la France, qui veut attendre que l’EPR de Flamanville ait fait ses preuves avant de se lancer éventuellement dans la construction de nouveaux réacteurs pour remplacer à terme son parc en partie vieillissant.
Bercy a commandé début juillet un audit à l’ancien patron de PSA Jean-Martin Folz sur la filière EPR pour faire la lumière sur les déboires à répétition du chantier de Flamanville. Son abandon pur et simple a même été évoqué mais écarté par l’Etat, actionnaire à près de 84% d’EDF. « Ça n’est pas une hypothèse possible d’abandonner Flamanville mais il faut bien comprendre pourquoi nos ingénieurs nous ont sorti un réacteur qui n’est pas robuste, capable d’être construit rapidement, avec des résultats financiers qui soient satisfaisants », estimait récemment une source gouvernementale. « Nous avons maintenant un problème critique de filière, de compétences et de savoir-faire », a-t-elle jugé.
Des bénéfices en hausse
EDF a par ailleurs annoncé un bénéfice net en hausse de 44,7% à 2,5 milliards d’euros au premier semestre, porté par la valorisation de son portefeuille d’actifs dédiés pour couvrir les frais de démantèlement et de gestion des déchets, et a confirmé ses objectifs. Hors ces éléments financiers, l’excédent brut d’exploitation (Ebitda) est pour sa part quasi stable (+0,1%) à 8,3 milliards sur une base organique. Le semestre a été notamment marqué par une chute de la production hydraulique mais des conditions de marché favorables en France, ainsi qu’un recul du nucléaire britannique.
La production nucléaire française a légèrement progressé et EDF n’a pas changé ses prévisions de production pour l’année. La canicule récente s’est traduite par l’arrêt temporaire de deux réacteurs nucléaires et l’abaissement de la production de certains autres pour ne pas surchauffer l’eau des fleuves qui sert à les refroidir. Mais « nous avons avec une quarantaine de réacteurs assuré sans difficulté le service public de l’électricité en France », a dit Jean-Bernard Lévy. « Nous avons même en cette période eu un solde exportateur positif », la France continuant d’exporter plus d’électricité vers ses voisins qu’elle n’en a importé.
LQ/AFP