Le président Emmanuel Macron a mis en garde mardi contre « les tentatives d’ingérence » de la Turquie dans la prochaine élection présidentielle française de 2022, sans pour autant fermer la porte à une amélioration des relations avec Ankara, exécrables depuis plus d’un an.
« Evidemment. Il y aura des tentatives d’ingérence pour la prochaine élection. C’est écrit, et les menaces ne sont pas voilées », a déclaré M. Macron, interrogé dans le cadre d’un documentaire de l’émission Cdans l’Air de la chaîne de télévision France 5 sur le président turc Recep Tayyip Erdogan.
Evoquant la brûlante controverse sur la question religieuse, déclenchée après son discours à l’automne sur « le séparatisme islamiste », M. Macron a fustigé « une politique de mensonges d’Etat relayés par les organes de presse contrôlés par l’Etat turc », ainsi que « par certaines grandes chaînes contrôlées par le Qatar ».
M. Erdogan a déjà été accusé d’ingérence électorale, notamment en Allemagne, quand il avait demandé aux électeurs germano-turcs de voter contre le parti d’Angela Merkel en 2017.
« Il faut qu’on soit très lucide », a poursuivi Emmanuel Macron, dont les relations avec son homologue turc ont été extrêmement tendues avant un début de dégel il y a quelques mois.
« J’ai noté depuis le début de l’année une volonté d’Erdogan de se réengager dans la relation. Je veux croire que c’est possible », a déclaré le président français, se défendant de toute « animosité à l’égard de la Turquie ».
« Mais je pense qu’on ne peut pas réengager (une relation) quand il y a des ambiguïtés. Je ne veux pas réengager une relation apaisée si il y a derrière de telles manoeuvres qui se poursuivent », a-t-il dit.
Les relations bilatérales se sont dégradées avec l’offensive turque en octobre 2019 contre les forces kurdes en Syrie, alliées des Occidentaux. L’interventionnisme turc en Libye, en Méditerranée orientale (où un incident a opposé des bâtiments turc et français en juin 2020) et la politique française contre l’extrémisme islamique ont ensuite creusé les antagonismes entre Paris et Ankara.
« Besoin de clarifier la place de la Turquie dans l’Otan »
« La France a été très claire. Quand il y a eu des actes unilatéraux en Méditerranée orientale, nous les avons condamnés et nous avons agi en envoyant des frégates », a souligné M. Macron, déplorant que l’Otan ne soit « pas suffisamment clair » avec Ankara. « Nous avons besoin de clarifier la place de la Turquie dans l’Otan », a-t-il estimé.
Cependant, « il faut un dialogue avec la Turquie, il faut tout faire pour qu’elle ne tourne pas le dos à l’Europe et n’aille vers plus d’extrémisme religieux ou des choix géopolitiques négatifs pour nous », a-t-il poursuivi.
« C’est un partenaire sur des sujets sécuritaires, sur les sujets de migration », a rappelé le président français. L’UE et la Turquie ont conclu en 2016 un accord migratoire revenant à confier à Ankara la gestion de l’immigration illégale.
Soulignant que la Turquie accueillait sur son sol plus de trois millions de réfugiés syriens, M. Macron a estimé qu’elle avait « pris ses responsabilités ».
« Sur le sujet migratoire nous devons travailler avec la Turquie. Si ils (les Turcs) ouvrent les portes, vous avez trois millions de réfugiés syriens qui arrivent en Europe », a-t-il mis en garde.
AFP