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France : derrière le symbole des 10 millions d’injections, une situation alarmante


"C'est une très bonne performance, la France vaccine beaucoup", s'est félicité le chef du gouvernement. (Photo d'illustration : AFP)

La France a dépassé jeudi les 10 millions de premières injections de vaccins contre le Covid-19, une barre symbolique mais encore très éloignée d’une protection totale face à l’épidémie, qui remplit toujours plus les services de réanimation.

« Nous sommes à une semaine d’avance (sur) l’objectif que j’avais fixé », s’est félicité le Premier ministre Jean Castex, qui a fait cette annonce lors d’un déplacement organisé pour l’occasion au centre de vaccination de Nogent-sur-Marne, près de Paris.

Les prochains caps sont désormais les 20 millions de premières doses à la mi-mai, puis 30 millions à la mi-juin.

Depuis la toute première piqûre dans l’épaule de Mauricette, une résidente d’Ehpad, le 27 décembre, la campagne de vaccination en France a rarement ressemblé à un long fleuve tranquille : marquée d’abord par un retard à l’allumage, elle a ensuite été secouée, à l’instar d’autres pays européens, par les déconvenues d’AstraZeneca, entre baisses de livraisons et questions sur les effets secondaires, plus que jamais d’actualité.

L’Agence européenne du médicament (EMA) a pour la première fois officiellement établi un lien mercredi entre le vaccin du laboratoire anglo-suédois et de rares cas de caillots sanguins, tout en estimant que la balance bénéfice/risque restait positive.

 

Astra, « je n’en veux pas »

Malgré le très faible nombre répertorié de ces thromboses atypiques (222 sur 34 millions d’injections dans l’Espace économique européen et au Royaume-Uni), la confiance dans ce produit, réservé en France aux plus de 55 ans, va être un sujet crucial, alors que le pays attend 3 millions de doses d’AstraZeneca en avril, puis encore 3,5 millions le mois suivant, sur un total de 42,8 millions de doses tous vaccins confondus à la fin du mois de mai.

« Des personnes avaient des rendez-vous, elles sont venues et elles sont reparties quand elles ont vu que c’était Astra, en disant +je n’en veux pas+ », a témoigné le Dr Thierry Mraovic, médecin coordinateur du centre de vaccination de Gravelines (Nord).

Le gouvernement a toujours écarté l’idée d’une vaccination obligatoire. Mais la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a estimé jeudi que ce principe, appliqué en République tchèque, pouvait être jugé « nécessaire dans une société démocratique ».

À l’heure actuelle, plus de 70% des résidents d’Ehpad ont été vaccinés avec deux doses, mais le niveau descend à un peu plus de 30% pour les 75-79 ans en ville (64% de premières doses) et à seulement 7% chez les 70-74 ans (40% de premières doses).

« En mai on n’aura pas du tout atteint les niveaux (de couverture vaccinale) qui permettent de relâcher les mesures de façon large, certaines oui, peut-être… », a indiqué l’épidémiologiste Dominique Costagliola.

Le sujet est brûlant pour le gouvernement, alors que de nombreux secteurs, comme les restaurants ou les lieux culturels, ne peuvent plus accueillir de public depuis plus de cinq mois et que le chef de l’État, Emmanuel Macron, a promis un début de réouverture à la mi-mai.

Le taux d’incidence reste très élevé avec 400 cas pour 100 000 habitants

Dans l’immédiat, le Covid-19 continue de remplir les services de réanimation : à la sortie du week-end de Pâques, 632 malades ont été accueillis mardi dans ces services réservés aux cas les plus graves, puis 673 mercredi, un niveau quotidien jamais atteint durant la 2e vague de l’automne.

Avec 5 729 patients au total, et une courbe qui reste verticale, le niveau se rapproche du pic de la première vague (7 000 en avril 2020). Dans la région PACA, le nombre de patients en réa (559) est même « supérieur à ceux observés lors des pics de la première et seconde vague », selon l’Agence régionale de santé (ARS).

Et le bilan humain est toujours aussi lourd : plus de 1 000 décès ont été enregistrés cette semaine à l’hôpital, soit 97 722 depuis le début de l’épidémie.

La « situation hospitalière est grave », a déclaré le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, en rappelant que la France avait augmenté son nombre de lits de réanimation, porté à 8 000.

L’exécutif, qui réunit un nouveau conseil de défense sanitaire jeudi, espère voir rapidement les effets de la fermeture des écoles depuis lundi.

« Nous avons des premiers signaux encourageants dans les seize départements où les mesures de freinage supplémentaires ont été prises le 20 mars dernier », a commenté Gabriel Attal, en insistant sur l’importance du respect des mesures sanitaires.

C’est parce qu’ils sont suspectés de les avoir violées qu’un prêtre et un ecclésiastique ont été placés jeudi en garde à vue: ils doivent être interrogés sur une messe samedi dans une église parisienne pendant laquelle les gestes barrières n’avaient pas été respectés.

LQ/AFP