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France : démarrage d’une bioraffinerie controversée


Le site du bord de l'étang de Berre, près de Marseille, dispose d'une capacité de production annuelle de 500 000 tonnes de biocarburant. (archives AFP)

La raffinerie de biocarburants de Total à La Mède (Bouches-du-Rhône), l’une des plus grandes d’Europe, a démarré sa production, au grand dam des associations de défense de l’environnement.

Le site du bord de l’étang de Berre, près de Marseille, issu de la conversion d’une raffinerie d’hydrocarbures, dispose d’une capacité de production annuelle de 500 000 tonnes de biocarburants, du « biodiesel » et du « biojet » pour l’aviation, a expliqué le géant pétrolier dans un communiqué mercredi.

La production a démarré dans la nuit de lundi à mardi.

La bioraffinerie, une des plus grandes du continent avec celles d’Eni en Italie et de Neste en Finlande, est la première de cette taille en France. Total avait lancé en 2015, en liaison avec le gouvernement, la conversion de sa raffinerie de pétrole brut, alors pourvoyeuse de 430 emplois mais largement déficitaire dans un contexte de surcapacités européennes.

Le groupe indique avoir investi 275 millions d’euros. Et l’ensemble des nouvelles activités – bioraffinerie mais aussi une plateforme de logistique ou encore un centre de formation – permet de maintenir 250 emplois directs.

La déforestation en cause

Dans le cadre des travaux, 65% des commandes ont été passées à des entreprises locales (soit 800 emplois), ajoute-t-on. Mais le démarrage n’est pas allé sans mal, avec près d’un an de retard, pour des « raisons techniques » liées à la « transformation d’installations existantes ».

La Mède, qui fonctionnera pour moitié sur la transformation d’huile de palme importée, a aussi fait face à une vive contestation des défenseurs de l’environnement et des agriculteurs, pour une fois unis sur un même front. Les associations environnementales, qui contestent devant la justice administrative l’autorisation d’exploitation accordée par le préfet (audience attendue début 2020), sont vent debout contre un projet accusé de contribuer à la déforestation en Asie du sud-est.

Dans son communiqué mercredi, Total indique s’être « engagé à traiter chaque année au maximum 300 000 tonnes d’huile de palme, soit moins de 50% du volume des matières premières nécessaires ». Les carburants seront produits « pour 60-70% à partir d’huiles végétales durables (colza, palme, tournesol, etc.) » et « pour 30-40% à partir de retraitement de déchets (graisses animales, huiles de cuisson, etc.) ». « Lorsqu’ils sont produits à partir de matières premières durables, comme c’est le cas à La Mède, les biocarburants émettent plus de 50% de CO2 en moins que les carburants fossiles », a expliqué Bernard Pinatel, directeur général Raffinage-Chimie de Total, cité dans le communiqué.

« Pire qu’une énergie fossile »

Les biocarburants font partie des « cinq axes de la stratégie climatique » du pétrolier. Total a assuré compléter la certification de son huile de palme par un dispositif spécial de contrôle de la durabilité et du respect des droits de l’Homme (limitation du nombre de fournisseurs, acceptant d’être audités par un expert tiers…).

Mais les ONG, telles que Greenpeace et les Amis de la Terre, demandent plus de transparence sur les origines géographiques, les noms des fermes plutôt que des moulins (où arrivent des fruits de toutes origines), dénoncent l’inefficacité de certifications comme les labels RSPO ou ISCC. Pour le climat, « les agrocarburants c’est pire qu’une énergie fossile, parce qu’on déboise, on utilise des terres destinées à l’alimentation, et l’entreprise ne peut pas s’assurer qu’il n’y a pas de déforestation directe », surtout dans des pays où l’opacité règne, a indiqué Laura Monnier, juriste de Greenpeace, en se tournant vers le ministère de la Transition écologique pour demander plus de transparence.

La France consomme environ trois millions de tonnes par an de biodiesels, incorporés à hauteur de 7,7% dans les hydrocarbures. Jusqu’ici, environ la moitié était produit en France.

LQ/AFP