Epilogue d’un procès hors normes, la cour d’assises du Tarn, dans le sud-ouest de la France, dira vendredi si Cédric Jubillar est coupable ou non du meurtre de son épouse Delphine, dont le corps n’a pas été retrouvé depuis sa disparition en décembre 2020.
Ce peintre-plaquiste, détenu depuis juin 2021 et qui a récemment fêté ses 38 ans en prison, nie être le meurtrier de celle qui était devenue sa compagne vingt ans plus tôt, une infirmière qui lui a donné deux enfants mais qui voulait le quitter. Le ministère public a requis 30 ans de réclusion criminelle à son encontre, ses avocats réclament son acquittement. Vendredi, à l’ouverture de l’audience à Albi, Cédric Jubillar aura une dernière opportunité de s’exprimer devant la cour.
Les trois magistrats et les six jurés se retireront ensuite pour délibérer, avec pour consigne que le doute doit profiter à l’accusé. Sept sur neuf doivent le déclarer coupable, pour qu’il soit condamné. Si trois d’entre eux votent « non coupable », il sera acquitté.
Invariablement, l’accusé, stoïque dans son box mais régulièrement secoué de mouvements nerveux, a martelé qu’il n’avait rien à voir avec la disparition de la mère de ses deux enfants, dans la nuit du 15 au 16 décembre 2020 à Cagnac-les-Mines, près d’Albi. « Je conteste toujours les faits qui me sont reprochés », a-t-il dit dès sa première prise de parole le 22 septembre, au premier jour d’un procès qui a duré quatre semaines. Et il n’aura pas dévié jusqu’à la fin. Lors de leurs plaidoiries, jeudi, ses avocats ont cherché à semer le doute dans l’esprit des jurés.
Une instruction « à charge » selon la défense
Alors que parties civiles et avocats généraux estiment qu’un « pétage de plomb » de l’accusé a pu conduire au meurtre de l’infirmière de 33 ans, Emmanuelle Franck a affirmé: « Un pétage de plomb, c’est ce qu’on appelle un crime pulsionnel, un crime passionnel, celui qui laisse le plus de traces, parce qu’on ne contrôle rien, on éclabousse tout ». Or, il n’y a aucune trace, a insisté l’avocate de Cédric Jubillar, adressant ses dernières salves aux enquêteurs et aux juges d’instruction. « Vous ne serez pas le jury du festival de Cannes qui vient récompenser le meilleur scenario », a lancé aux jurés son autre avocat Alexandre Martin. Faute de preuves, les enquêteurs ont en effet, selon lui, imaginé « un faisceau d’indices » et bâti un scénario, qui vient conclure une instruction « à charge ».
Depuis le 16 décembre 2020, une « machine effrayante » s’est mise en marche, « quinze jours après la condamnation de Daval, cela ne peut être que le mari », a fustigé Me Martin, en référence à un féminicide retentissant dans lequel l’accusé avait longtemps joué le mari éploré, jugé le mois précédant la disparition de Delphine Jubillar. « La conviction des gendarmes dès le premier jour » a empêché la manifestation de la vérité et le procès, quatre ans et demi plus tard, n’a fait que dérouler un « tapis rouge à l’erreur judiciaire », a-t-il plaidé.
Un « contrôle coercitif » envers sa femme
Pour les parties civiles et l’accusation, la culpabilité de Cédric Jubillar ne fait en revanche aucun doute. L’avocat général Pierre Aurignac a estimé que « pour défendre l’idée de l’innocence de M. Jubillar, il faut écarter quatre experts, faire taire 19 témoins et tuer le chien pisteur » qui a établi que la mère de famille n’a pas quitté son domicile la nuit de la disparition. « Le crime parfait attendra, a-t-il ajouté, le crime parfait, ce n’est pas le crime sans cadavre mais celui pour lequel on n’est pas condamné, et vous allez être condamné, M. Jubillar. »
Pour Laurent Boguet, avocat des enfants du couple, « il ne l’a pas seulement tuée, il l’a étranglée pour la faire taire, il l’a effacée en faisant disparaître le corps ». Pauline Rongier, avocate d’une amie de la disparue, a quant à elle demandé aux jurés de trouver le « courage » de condamner l’accusé malgré l’absence de corps. Dénigrement, « surveillance », « violences sur les enfants », elle décrit la « chape de plomb, la prison dans laquelle était Delphine », ce « contrôle coercitif » qui, selon elle, précède la plupart des féminicides.
Incarcéré en juin 2021, Cédric Jubillar est détenu à l’isolement à la prison de Seysses, près de Toulouse (sud-ouest). Le prononcé de l’arrêt de la cour d’assises mettra fin aux quatre semaines de procès, au cours desquelles les jurés – deux femmes, quatre hommes – auront pu se forger une intime conviction.
Quelle que soit la décision, elle fera l’objet d’un appel, ont fait savoir les parties. Et un nouveau procès se tiendra en 2026, probablement devant la cour d’appel de Toulouse.