Coup sur coup, à Ottawa et à Paris, de vives critiques à l’égard du géant chinois ont été affichées à propos du dossier ouïghour. À Washington, c’est plus généralement son « attitude prédatrice » qui est pointée du doigt.
Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a dénoncé mercredi un « système de répression institutionnalisé » de la Chine à l’encontre des musulmans ouïghours dans la région du Xinjiang (nord-ouest), devant le Conseil des droits de l’homme de l’ONU.
« De la région chinoise du Xinjiang, nous parviennent des témoignages et des documents concordants, qui font état de pratiques injustifiables à l’encontre des Ouïghours, et d’un système de surveillance et de répression institutionnalisé à grande échelle », a-t-il déclaré lors d’une intervention par visioconférence.
L’ambassade de Chine en France a répliqué peu après dans un tweet, sans toutefois citer le ministre, déplorant « l’ingérence dans les affaires intérieures d’autrui sous prétexte des droits de l’Homme ». Les autorités chinoises, de plus en plus montrées du doigt par les Ocidentaux sur le Xinjiang, ont loué lundi le développement socio-économique dans cette province comme un « exemple éclatant » de leurs progrès en matière de droits de l’Homme.
Selon des études d’instituts américains et australien, au moins un million de Ouïghours ont été internés dans des « camps » du Xinjiang et certains ont été soumis à du « travail forcé » ou à des « stérilisations forcées ». La Chine dément catégoriquement les deux dernières accusations et affirme que les « camps » sont des « centres de formation professionnelle » destinés à éloigner la population de l’extrémisme religieux et du séparatisme, après de nombreux attentats meurtriers commis contre des civils par des Ouïghours.
Un génocide, selon les députés canadiens
Lundi, les députés canadiens étaient allés plus loin en adoptant une motion non contraignante assimilant le traitement réservé par la Chine à sa minorité ouïghoure à « un génocide », provoquant la colère de Pékin qui l’a qualifiée de « provocation malveillante ».
La motion, déposée à l’initiative des conservateurs (opposition), a été adoptée à la Chambre des communes par 266 voix sur 338. Elle appelle également le gouvernement de Justin Trudeau à se ranger à cet avis.
Les autres députés, notamment les ministres du gouvernement libéral de Justin Trudeau, se sont abstenus. Cette motion reconnaît que « les Ouïghours en Chine ont été et sont soumis à un génocide ». Vendredi, le Premier ministre Justin Trudeau avait admis que « d’énormes violations des droits de l’Homme ont été signalées dans le Xinjiang ».
Pour appuyer leur demande, les députés pointent notamment « l’endoctrinement politique et antireligieux », « le travail forcé » et « la destruction de sites culturels » que subit selon eux cette minorité musulmane dans le Xinjiang.
L’ambassade de Chine au Canada a rejeté dans un communiqué cette motion, qualifiant les députés canadiens d' »hypocrites et éhontés » pour avoir eu recours « à l’excuse des droits de l’Homme pour s’engager dans une manipulation politique au Xinjiang afin d’interférer dans les affaires intérieures de la Chine ».
La «plus grande menace»
Du côté des États-Unis, c’est le candidat de Joe Biden au poste de directeur de la CIA, William Burns, qui s’en est pris à la Chine, la qualifiant de «plus grande menace pour les États-Unis». Sur une scène internationale « de plus en plus compliquée et concurrentielle », l’attitude « prédatrice » du gouvernement chinois représente « notre plus grand défi géopolitique », a assuré l’ex-diplomate de carrière lors de son audition devant la commission du renseignement du Sénat, qui doit approuver sa nomination.
« Comme le président Biden l’a souligné, devancer la Chine sera essentiel pour notre sécurité nationale dans les prochaines décennies », a-t-il dit. « Cela demandera une stratégie à long terme, claire et soutenue par les deux partis, étayée par une réforme intérieure et un renseignement fiable ». L’ex-numéro deux de la diplomatie américaine a mis en garde contre le régime chinois qui « renforce méthodiquement ses capacités de vol de propriété intellectuelle, réprime son peuple, harcèle ses voisins, étend son pouvoir dans le monde et construit son influence au sein de la société américaine ».
Williams Burns, 64 ans, a été choisi pour restaurer l’indépendance de l’agence de renseignement, que Donald Trump est accusé d’avoir voulu politiser en nommant des fidèles à sa tête.
LQ/AFP