Au lendemain de l’adoption laborieuse du budget de la Sécurité sociale, Sébastien Lecornu entame déjà celle du budget l’État dans un Parlement très divisé qu’il tente notamment de rallier avec une hausse des crédits à la défense.
En adoptant de peu le projet de budget de la Sécurité sociale dans la soirée mardi, par 247 voix contre 234, les députés ont permis au Premier ministre Sébastien Lecornu de gagner son pari de l’adoption dans une Assemblée sans majorité et sans avoir utilisé le 49.3. Après cette courte victoire, le pensionnaire de Matignon doit relever un autre défi : celui de voter le budget de l’État d’ici la fin de l’année.
Ce mercredi, Sébastien Lecornu a réaffirmé en Conseil des ministres que son «objectif» était «de doter la France d’un budget» de l’État «d’ici au 31 décembre», jugeant que c’était «possible» si la droite fait un pas vers sa gauche, a rapporté Maude Bregeon, porte-parole du gouvernement, devant la presse.
«La balle est aujourd’hui dans le camp du Parlement et significativement de la droite sénatoriale qui occupe une grande place dans la commission mixte paritaire» a-t-elle ajouté à l’attention des sept sénateurs et sept députés qui se réuniront la semaine prochaine pour trouver un compromis sur le budget.
Le budget, plus «difficile» que la Sécu
L’adoption du budget de l’État s’annonce néanmoins plus «difficile» encore que celui de la Sécurité sociale, a prévenu Sébastien Lecornu. Afin d’y parvenir, le Premier ministre a proposé d’organiser au Parlement plusieurs débats, suivis d’un vote, sur cinq thèmes dont celui de la défense. Ce mercredi, il a ainsi invité les députés à valider, lors d’un débat suivi d’un vote à l’Assemblée, une hausse des crédits aux armées de 6,7 milliards d’euros.
«L’instabilité politique nous bouleverse au sein de cet hémicycle, mais elle ne doit pas nous couper des réalités du monde», a-t-il fait valoir, en faisant état des «menaces» extérieures et en demandant aux parlementaires d’«approuver» par leur vote le «principe» d’une augmentation du budget de la défense.
Ce message ne passe pas auprès de Marine Le Pen, patronne des députés du Rassemblement national, seule cheffe de groupe à s’exprimer et qui a accusé Sébastien Lecornu d’«instrumentaliser» la défense pour essayer de faire passer le budget de l’État. Elle a précisé que son groupe voterait «pour» le principe d’une hausse des crédits de la défense, mais ne soutiendrait «en aucune façon» un budget de l’État «de punition sociale et fiscale». Les socialistes devraient voter pour également, selon une source au groupe.
L’Assemblée et le Sénat opposés
Sur la question du budget, «aujourd’hui, vous avez une forme de décalage horaire entre l’Assemblée nationale et le Sénat» a euphémisé Maud Bregeon, en reprenant une expression du Premier ministre. L’Assemblée avait en effet rejeté à la quasi-unanimité le volet recettes en première lecture, envoyant ainsi la copie initiale du gouvernement au Sénat. Celui-ci, dominé par la droite, l’a ensuite complètement réécrit et devrait le voter lundi prochain. «Nous avons confiance dans le président du Sénat, dans les présidents des différents groupes qui composent le Sénat, pour être encore une fois force de compromis.»
Si jamais la commission mixte paritaire ne parvenait pas à un accord la semaine prochaine, le Parlement devra, comme l’année dernière, adopter d’ici fin décembre une «loi spéciale» pour autoriser le gouvernement à percevoir les impôts existants et reconduire les dépenses votées en 2025. Afin d’anticiper cela, le gouvernement pourrait présenter un tel projet de loi la semaine prochaine en Conseil des ministres.
Dans tous les scénarios, le gouvernement garde «l’objectif d’un déficit inférieur à 5%» du PIB en 2026 contre 5,4% attendu cette année, a assuré la porte-parole.
Mardi soir, l’Assemblée nationale a adopté le budget 2026 de la Sécurité sociale par 247 voix pour contre 234. Le vote valide ainsi le texte remanié, incluant la suspension de la réforme des retraites, après des semaines de débats et de concessions. Le marathon budgétaire n’est pas encore terminé, car il ne s’agissait que du deuxième passage du budget devant les députés, qui est reparti au Sénat où le débat ne devrait cependant pas durer. Ce mercredi, les sénateurs ont déjà décidé de s’y opposer d’emblée lors de l’examen du texte prévu ce vendredi, permettant son retour rapide à l’Assemblée en vue d’une adoption définitive. Plusieurs députés évoquent le mardi 16 décembre pour cette dernière lecture décisive.