Fidel Castro, le père de la Révolution cubaine, qui a tenu son île d’une main de fer et défié la superpuissance américaine pendant plus d’un demi-siècle avant de céder le pouvoir à son frère Raul, est mort à l’âge de 90 ans.
« Le commandant en chef de la Révolution cubaine est décédé à 22h29 ce soir (vendredi) » (4h29 samedi heure du Luxembourg), a annoncé Raul Castro en lisant une déclaration sur l’antenne de la télévision nationale.
Le président cubain n’a pas révélé les causes du décès, mais a précisé sur un ton volontaire et solennel que Fidel Castro serait incinéré « dans les premières heures » de la journée de samedi.
« L’organisation de l’hommage funèbre qui lui sera rendu sera précisée » ultérieurement, a-t-il ajouté dans cette brève allocution conclue par un tonitruant : « Jusqu’à la victoire, toujours! » (« Hasta la victoria, siempre »), l’antienne bien connue du Comandante.
Le « Lider Maximo » avait cédé le pouvoir à son frère Raul à partir de 2006 après une hémorragie intestinale. Il avait abandonné ses dernières responsabilités au Parti communiste de Cuba (PCC) en avril 2011.
L’ex-président cubain avait totalement disparu des écrans cubains entre février 2014 et avril 2015, ce qui avait alimenté de nombreuses rumeurs sur son état de santé.
Mais depuis un an et demi, même si ses déplacement restaient limités, il avait recommencé à recevoir chez lui personnalités et dignitaires étrangers.
La semaine dernière, il avait toutefois pris les observateurs au dépourvu en ne recevant pas le Premier ministre Canadien Justin Trudeau, malgré la forte amitié qui liait l’ex-président cubain à son père Pierre-Elliott Trudeau. La veille, il était apparu en bonne forme sur des photos prises lors d’entretiens avec le président vietnamien Tran Dai Quang.
Stupeur à La Havane
La nouvelle de sa mort, tombée vers minuit, s’est rapidement répandue dans les rues clairsemées de La Havane, de nombreux habitants se disant mortifiés de voir disparaître le « Comandante ».
« Ca nous a tous pris par surprise, on espérait vraiment qu’il vive un peu plus longtemps. Il avait l’air en forme lors de ses dernières apparitions », a réagi Michel Gonzalez, un vendeur de cigares de 30 ans.
« Comme des milliers de Cubains je suis contrit, triste, c’est tellement soudain! », abondait, interdit, le barman Miguel Gonzalez, 24 ans, rencontré dans le Vedado, un quartier proche du centre qui ne connaissait pas son animation habituelle en cette nuit très particulière.
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Parmi les premiers chefs d’Etat à réagir dans la nuit de vendredi à samedi, le président socialiste vénézuélien Nicolas Maduro, proche allié de Cuba, a appelé sur Twitter à « poursuivre l’héritage » de Fidel.
Il a aussi rappelé que ce décès survient 60 ans jour pour jour après l’appareillage au Mexique de l’expédition du Granma, qui marqua le point de départ d’une guérilla de 25 mois qui finit par avoir raison du dictateur pro-américain Fulgencio Batista le 1er janvier 1959.
Avant de quitter la scène, Fidel Castro a pu assister voici deux ans à l’annonce historique du rapprochement entre Cuba et les États-Unis. Sa disparition tourne donc définitivement la page de la Guerre froide, qui avait mené le monde au bord du conflit nucléaire lors de la crise des missiles d’octobre 1962.
Le président français François Hollande a estimé que Fidel Castro avait « incarné la révolution cubaine », dans ses « espoirs » et ses « désillusions », alors que l’ex-dirigeant soviétique Mikhaïl Gorbatchev lui a rendu hommage.
Raul Castro seul aux commandes
Désormais, Raul Castro se retrouve pour la première fois seul aux commandes, lui qui avait assuré au moment de sa nomination qu’il consulterait le « Commandant en chef » pour toutes les décisions importantes.
Raul, âgé de 85 ans, a engagé depuis 10 ans un lent processus de « défidélisation » du régime, défini en avril 2011 par l’adoption lors d’un congrès historique du PCC d’un ensemble de mesures économiques destinées à sauver Cuba de la faillite.
Il a également orchestré dans l’ombre le rapprochement historique avec les États-Unis, révélant un pragmatisme qui tranche avec l’anti-américanisme viscéral de son aîné.
Toutefois, ce dégel pourrait subir un coup de frein après l’élection de Donald Trump aux Etats-Unis. Le magnat de l’immobilier a déjà affiché des réserves sur le rapprochement, affirmant qu’il ferait « tout pour obtenir un accord solide » avec La Havane, laissant présager d’un éventuel retour en arrière.
Célèbre pour ses coups d’éclat et ses discours interminables, mais aussi pour son uniforme vert olive, ses cigares et sa barbe légendaire, Fidel Castro était un symbole de la lutte contre l' »impérialisme américain », tout en affichant lui-même un piètre bilan en matière de droits civiques et de libertés.
Fidel Castro avait surpris jusqu’à ses propres partisans en se tournant vers Moscou peu après la conquête du pouvoir de 1959.
Il a défié 11 présidents américains et survécu à maints complots pour l’assassiner (638 selon le Livre Guinness des records) ainsi qu’à une tentative ratée de débarquement d’exilés cubains soutenus par la CIA dans la baie des Cochons (sud de l’île) en avril 1961.
John F. Kennedy devait décréter peu après un embargo commercial et financier. Toujours en vigueur, celui-ci pèse lourdement sur l’économie du pays malgré une série d’assouplissements consentis par l’administration de Barack Obama dans le cadre du dégel.
En octobre 1962, c’est la crise des missiles, provoquée par l’installation de fusées nucléaires soviétiques à Cuba, qui engendre une surenchère et met la planète sous la menace atomique. Washington décide un blocus naval de l’île, et Moscou finit par retirer ses fusées contre la promesse américaine de ne pas envahir l’île.
Compagnon d’armes du « Che » Guevara, le leader cubain s’est voulu le champion de l’exportation de la révolution marxiste en Amérique latine, mais aussi en Afrique.
Cette révolution suscite alors une certaine fascination et le régime se targue d’avoir éradiqué l’analphabétisme et mis en place un système de santé efficace et accessible aux 11,1 millions d’habitants. Une performance rare pour un pays pauvre d’Amérique latine.
Mais la chute de l’URSS en 1991, principal bailleur de fonds de l’île, porte un coup terrible à l’économie cubaine : la population souffre d’énormes pénuries et beaucoup prédisent la fin du régime.
Maître de la survie politique, le « Lider Maximo » trouve une nouvelle manne avec le tourisme et surtout de nouveaux alliés avec la Chine et le Venezuela du président Hugo Chavez, présenté par Fidel Castro comme son « fils spirituel ».
Le « Lider maximo » a toujours maintenu secrète sa vie privée. Sa compagne Dalia Soto del Valle, qui partageait sa vie depuis les années 1960 et lui a donné cinq fils, devrait assister aux obsèques de celui qui a eu au moins trois autres enfants – dont une fille vivant à Miami – avec trois autres femmes.
Le Quotidien / AFP