Donald Trump ou Kamala Harris? L’élection présidentielle américaine est attendue avec anxiété – et une certaine fébrilité – aussi bien du côté de l’Union européenne que de l’OTAN.
L’imprévisible candidat républicain Donald Trump tempête contre les mauvais payeurs de l’Alliance, dénonce les montants pharamineux débloqués par Washington pour Kiev, et brandit le spectre de nouveaux droits de douane visant l’Europe.
Si une victoire le 5 novembre de sa rivale démocrate serait incontestablement accueillie avec une forme de soulagement à Bruxelles, les Européens insistent sur la nécessité de se préparer – quoi qu’il arrive – à des changements profonds et dans la durée dans leur relation avec l’Amérique.
L’avenir de l’OTAN
Avec Kamala Harris, les pays européens se sentent en terrain connu, même si «on ne sait pas grand-chose de ses projets en politique étrangère», explique un diplomate de l’OTAN. Mais un éventuel retour de Donald Trump à la Maison-Blanche les tétanise. «Il y a une forme de paralysie côté européen, face à l’immensité du défi», juge ainsi Martin Quencez, expert des questions de défense auprès du German Marshall Fund à Paris.
Tous ont encore en mémoire les menaces lancées en février par le milliardaire américain : si vous ne payez pas davantage, débrouillez-vous face à la menace russe. Ils ont déjà tenté de répondre à l’avance en portant pour plusieurs d’entre eux le niveau de leurs dépenses militaires à 2 % de leur Produit intérieur brut (PIB). Ils sont désormais 23, sur les 32 membres de l’OTAN, contre trois il y a dix ans. Mais ils savent aussi qu’il leur faudra faire plus, et ce, quel que soit le vainqueur le 5 novembre.
Le candidat républicain n’est pas, et de loin, le premier président américain à réclamer un meilleur partage du fardeau. «Il y a une façon « trumpienne » de dire les choses, il communique comme ça, mais le message sur la nécessité pour l’Europe de faire plus est parfaitement légitime», résume un diplomate.
Le soutien à l’Ukraine
Si nombre de responsables de l’Alliance espèrent éviter le clash avec Trump sur l’OTAN, les craintes des Européens se renforcent nettement lorsqu’il s’agit d’envisager l’avenir du soutien occidental à l’Ukraine. «L’Europe pourrait se retrouver seule à soutenir la résistance ukrainienne», avertit l’eurodéputé français Raphaël Glucksmann (S&D, socio-démocrates).
L’ex-président, qui rêve d’un retour triomphal à Washington, a déjà menacé à plusieurs reprises de mettre un terme à l’aide militaire américaine à Kiev, promettant d’en finir avec cette guerre en 24 heures, tout en restant évasif sur les moyens d’y parvenir. Après deux ans et demi d’engagements maintes et maintes fois répétés, l’Europe pourrait n’avoir d’autre choix que de prendre le relais. Mais le front européen pourrait se fissurer rapidement. «Les capitales européennes risquent d’accroître la pression sur Kiev pour ouvrir les négociations avec Moscou, contre la volonté des Ukrainiens eux-mêmes», met en garde Raphaël Glucksmann.
En attendant, c’est surtout l’attentisme qui domine. «On essaie de continuer à faire ce que l’on fait de notre côté, c’est le sentiment dominant à l’OTAN», explique un diplomate de l’Alliance.
La relation commerciale
Lorsqu’il s’agit du commerce, l’UE pense qu’elle sera cette fois mieux armée pour le combat en cas de retour du magnat de l’immobilier à la Maison-Blanche. «L’UE est bien mieux préparée à une nouvelle administration Trump», assure un diplomate à Bruxelles.
Une liste de produits américains pouvant faire l’objet de représailles est par exemple sur la table des responsables de l’UE, mais diplomates et responsables européens insistent sur son utilisation en dernier recours. «Personne à Bruxelles ne recherche l’escalade», assure l’un d’entre eux.
Le premier test aura lieu en mars lorsque la trêve sur l’acier entre les États-Unis et l’Union européenne aura expiré. Donald Trump avait relevé en 2018 les droits de douane sur l’acier et l’aluminium en provenance de plusieurs pays, dont ceux de l’UE. Joe Biden avait maintenu ces droits, mais exempté l’UE pendant une période transitoire qui prendra fin en mars. Les Européens redoutent que le milliardaire américain n’impose des taxes encore plus élevées.
Et même s’ils ne croient pas que sa rivale démocrate Kamala Harris se montre particulièrement bienveillante, ils s’attendent à une négociation «de bonne foi» sur ce sujet, selon un diplomate de l’UE. Avec une présidence Harris, «il y aura une volonté de continuer à rechercher des sujets de coopération, d’essayer éviter des conflits inutiles», juge Greta Peisch, ancienne conseillère auprès du représentant américain pour le Commerce.