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«Faire beaucoup avec peu» : Barnier passe son grand oral devant les députés


Michel Barnier, ce mardi, à l'Assemblée nationale. (photo AFP)

Imperturbable malgré le chahut dans l’hémicycle, Michel Barnier a égrené ses priorités ce mardi lors de sa déclaration de politique générale devant l’Assemblée nationale, largement tournée vers le redressement des finances publiques et la réduction d’une dette « colossale » décrite comme une « épée de Damoclès » au-dessus de la France.

Dans un discours de 1 h 23, le nouveau Premier ministre, issu du parti de droite Les Républicains (LR), a également abordé la politique migratoire « que nous ne maîtrisons plus de manière satisfaisante ». En prônant notamment la « prolongation exceptionnelle de la rétention des étrangers en situation irrégulière ». Et sans s’interdire la réduction des visas envers les pays rechignant à reprendre leurs ressortissants.

L’Assemblée nationale ne s’était pas réunie depuis la mi-juillet et la reconduction au perchoir de la présidente (Renaissance) Yaël Braun-Pivet. Après une minute de silence en hommage à Philippine, jeune étudiante tuée il y a dix jours à Paris, l’hémicycle a rapidement retrouvé ses habitudes bruyantes et dissipées.

Les députés de La France insoumise ont brandi leurs cartes d’électeur en signe de protestation contre la nomination de ce Premier ministre venu de la droite, solution concoctée par Emmanuel Macron après la dissolution, alors que le bloc de gauche était arrivé en tête des élections législatives.

Costume bleu et ruban rose au revers, diction lente, impassible face aux tentatives d’interruption, citant Charles De Gaulle, Pierre Mendès France, Michel Rocard et Édouard Philippe, Michel Barnier a planté le décor d’emblée : « Nous sommes collectivement sur une ligne de crête », avec « l’épée de Damoclès » d’une « dette financière colossale ».

Le Premier ministre a exposé ses « cinq chantiers prioritaires » : « Niveau de vie », « services publics », école et santé en tête, « sécurité », « immigration » et « fraternité ».

Premier engagement concret : ramener le déficit à 5 % du PIB en 2025, avec l’objectif de revenir sous les 3 % en 2029, alors que le déficit devrait atteindre 6 % cette année.

« Le premier remède de la dette, c’est la réduction des dépenses » et « en 2025, les deux tiers de l’effort de redressement viendra de là », a-t-il ajouté.

Deuxième « remède » : « L’efficacité des dépenses ». Le troisième remède sera le plus douloureux : le levier fiscal.

« Contribution exceptionnelle »

« Nos impôts sont parmi les plus élevés du monde » mais « la situation de nos comptes demande aujourd’hui un effort limité dans le temps qui devra être partagé, dans une exigence de justice fiscale ». À savoir une participation demandée aux plus grandes entreprises et « aux Français les plus fortunés », a annoncé Michel Barnier.

« Comme c’est son rôle, je souhaite que le Parlement débatte, ajuste, améliore », a-t-il ajouté.

Le Premier ministre aura fort à faire : dans le parti présidentiel Renaissance, Gérald Darmanin a prévenu qu’il ne soutiendrait pas « un gouvernement qui augmenterait les impôts ». Pris à revers par le chef de file des LR Laurent Wauquiez, prêt à accepter des hausses « temporaires, exceptionnelles et justes » en contrepartie « d’économies massives ».

Michel Barnier a également mentionné, comme lors de son arrivée à Matignon, la « dette écologique », confirmant la poursuite du développement du nucléaire, « mais aussi des énergies renouvelables ».

Réforme des retraites et SMIC

Autre thème abordé : la réforme des retraites. Sous les cris de « abrogation, abrogation » venus de la gauche, Michel Barnier s’est dit ouvert à des « aménagements possibles », avec les partenaires sociaux, à qui il redonne également la main dans les négociations sur l’assurance chômage.

Revalorisation du SMIC de 2 % « dès le 1ᵉʳ novembre », reprise du projet de loi agricole interrompu par la dissolution, « nouveau livre d’épargne dédié à l’industrie », report du scrutin provincial en Nouvelle-Calédonie, reprise du débat sur la fin de vie : le chef du gouvernement a balayé large dans cette figure imposée de la démocratie parlementaire, qui devrait rapidement être suivie d’une motion de censure promise par la gauche, mais que le RN a dit ne pas vouloir voter d’emblée.

Michel Barnier s’est également dit « ouvert » à une réflexion « sans idéologie » sur la proportionnelle à l’Assemblée nationale, réclamée par les alliés centristes du MoDem comme par le RN.

Après avoir ironisé sur les « lignes rouges, parfois très rouges » des différents partis, le Premier ministre a fixé les siennes : « Aucune tolérance » à l’égard du racisme, de l’antisémitisme, des violences faites au femmes, du communautarisme. « Aucun accommodement sur la laïcité » et aucune remise en cause de la loi Veil sur l’IVG comme du mariage pour tous et de la PMA.

Défense de « l’État de droit »

Nommé il y a 26 jours, le Premier ministre ne sollicitera pas de vote de confiance des députés, à l’instar de ses prédécesseurs Élisabeth Borne et Gabriel Attal, privés comme lui de majorité absolue.

Pour préparer sa feuille de route, il avait reçu la semaine dernière les forces syndicales et patronales. Il a aussi organisé un séminaire gouvernemental, qui visait surtout à développer un esprit d’équipe après plusieurs couacs entre ses ministres.

À peine nommé à l’Intérieur, Bruno Retailleau, issu comme Michel Barnier du parti de droite LR, a engagé un bras de fer avec le ministre de la Justice venu de la gauche, Didier Migaud, obligeant Michel Barnier à les réunir pour travailler sur des « lignes communes ».

Le chef du gouvernment a évoqué mardi le respect de l’État de droit comme « indissociable » de la « fermeté de la politique pénale que les Français demandent ».

Son ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, issu de la frange conservatrice des LR, avait suscité de nombreuses critiques dans le camp présidentiel et au-delà pour ses sorties sur « l’État de droit » qui n’est « pas intangible, ni sacré ».

Outre la pression des siens, Michel Barnier subit celle de l’extrême droite qui l’a mis « sous surveillance » mais ne semble pas pressée de voter la censure.

« Barnier, usurpateur de la légitimité électorale, plaide pour le compromis par la combine et se glorifie d’appliquer les lois qu’il a combattues. Creux, pontifiant, rabâchant des banalités, ce n’est pas un programme d’action mais un compte à rebours avant liquidation », a posté Jean-Luc Mélenchon (LFI).

Un commentaire

  1. Le Luxembourg doit se faire à l’idée que son voisin du sud sera bientôt déclaré en faillite.