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Extrême droite : l’Allemagne veut faire le ménage dans la police


L'ensemble des services de sécurité pourraient compter "plus de 350 cas suspects". (illustration AFP)

Inventaire avant le grand ménage ? Le gouvernement allemand, accusé jusqu’ici de minimiser l’ancrage de réseaux d’extrême droite dans la police et les forces armées, dévoile mardi un état des lieux inédit.

Les scandales se sont en effet multipliés ces derniers mois, avec la mise au jour de plusieurs groupes de policiers échangeant des propos racistes. Dans l’armée, un commando d’élite noyauté par des néo-nazis a été en partie dissous cet été.

Le ministre de l’Intérieur, le conservateur bavarois Horst Seehofer, va présenter mardi une estimation du nombre de militants extrémistes dans la police, les services de renseignements et le contre-espionnage militaire. Les quelque 300 000 membres de ces forces de sécurité ont notamment dû remplir des questionnaires anonymes sur les cas éventuels impliquant des collègues, dans l’espoir de rompre l’omerta qui règne, selon syndicats et experts, dans la police.

Tournant

Selon de premiers chiffres dévoilés en septembre par le quotidien Die Welt et couvrant la période allant de janvier 2017 à mars 2020, l’ensemble de ces services pourraient compter « plus de 350 cas suspects ».

Il s’agit d’un tournant pour le gouvernement allemand, qui se refusait jusqu’à présent à diligenter une enquête globale qui risquait, selon lui, de jeter l’opprobre sur l’ensemble des policiers et privilégiait une approche au cas par cas. « Nos agences de sécurité sont un joyau », assurait encore en juillet Horst Seehofer, niant notamment toute pratique de contrôles au faciès. Changement radical de ton le 1er octobre, le ministre assurant que le gouvernement « ne dissimule rien ».

La pression était devenue trop forte ces derniers mois, y compris de la part du parti social-démocrate, partenaire des conservateurs au sein de la coalition d’Angela Merkel, pour faire la lumière sur l’ampleur réelle de ces groupes.
Le chef de l’État allemand, Frank-Walter Steinmeier, une autorité morale en Allemagne, a lui-même appelé fin septembre à combattre « plus résolument » les réseaux d’extrême droite dans le pays.

La porosité entre l’extrême droite et une partie de la police est pourtant avérée. Le parti Alternative pour l’Allemagne (AfD) est ainsi le groupe au Bundestag qui compte dans ses rangs le plus d’agents de police – 5 sur 89.

Indignation

Plusieurs affaires récentes, que les investigations du gouvernement n’ont pas pu intégrer dans le décompte, ont suscité l’indignation en Allemagne, où le terrorisme d’extrême droite est érigé au premier rang des menaces pesant sur la sécurité du pays.

En Rhénanie du Nord-Westphalie, la région la plus peuplée d’Allemagne, une trentaine de policiers, suspendus depuis, échangeaient sur la messagerie Whatsapp des photos d’Adolf Hitler et de croix gammées, ainsi que des drapeaux du IIIe Reich et un montage montrant un réfugié dans une chambre à gaz d’un camp de concentration.
Un groupe similaire a été démantelé fin septembre à Berlin.

En juillet, les enquêteurs avaient annoncé l’interpellation d’un ancien policier et de son épouse soupçonnés d’avoir envoyé des mails de menaces à des responsables politiques et des personnalités publiques dans toute l’Allemagne.
Leurs messages étaient signés « NSU 2.0 », une référence au groupuscule néonazi allemand dont les membres ont commis une dizaine d’assassinats racistes pendant la décennie 2000 et ont bénéficié de la passivité coupable de policiers.

L’été a aussi été marqué par la démission d’un responsable régional de la police allemande en raison de liens supposés entre ses services et l’extrême droite. L’affaire faisait suite à la découverte de l’utilisation d’un ordinateur de la police de l’État régional de Hesse, où se trouve Francfort, pour trouver des données privées sur les personnes ayant fait l’objet de menaces de mort et d’insultes de la part de l’ultra-droite par courrier ou emails.

L’armée est elle aussi concernée. Le KSK, un commando d’élite, a ainsi été en partie dissous avant l’été. Une vingtaine de ses membres étaient soupçonnés d’appartenir à la mouvance néo-nazie, une proportion cinq fois plus élevée que dans l’ensemble de la Bundeswehr, selon le service de contre-espionnage allemand.

LQ/AFP