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Etat d’urgence en Turquie : des gardes à vue de 30 jours, un millier d’écoles fermées


"Ce qu'ils disent ne m'intéresse pas et je ne les écoute pas" Le président turc préfère ignorer les accusations de dérive autoritaire émises par de nombreux dirigeants européens. (photo AFP)

La riposte d’Ankara se poursuivait samedi une semaine après l’échec du putsch en Turquie, où la garde à vue a été portée à 30 jours et un millier d’écoles ont été fermées dans le cadre de l’état d’urgence.

Premières déclinaisons concrètes de cette instauration de l’état d’urgence inédite depuis quinze ans, une série de mesures ont été publiées au journal officiel: extension de quatre à 30 jours de la durée de la garde à vue; exclusion à vie de la fonction publique des fonctionnaires liés au prédicateur en exil Fethullah Gülen, accusé d’être à l’origine du putsch.

Un millier d’organisations privées qui lui seraient liées ont été dissoutes, dont 1.043 établissements d’enseignement, 15 universités, 1.229 associations et fondations, 19 syndicats…

La justice a toutefois annoncé la libération de 1.200 militaires, tous non gradés. C’est le premier élargissement aussi important depuis la tentative de coup d’Etat du 15 juillet, après laquelle 7.400 soldats avaient été placés en garde à vue. Militaires, policiers, magistrats, « civils » selon l’agence Anadolu: un total de 4.500 personnes ont été placées en détention.

La Turquie « met en prison (son) avenir », a dénoncé le chef du gouvernement italien, Matteo Renzi, autant préoccupé par la répression que par « les chars dans les rues d’Istanbul », une énième critique d’un responsable européen depuis le début des purges.

Des réserves qui laissent froid le président Recep Tayyip Erdogan: « Ce qu’ils disent ne m’intéresse pas et je ne les écoute pas », a-t-il dit dans une interview à la chaîne française France 24. L’Union européenne, qui depuis 53 ans « fait attendre à la porte » la Turquie, est guidée par ses « préjugés », a-t-il dénoncé.

Le « traître de Pennsylvanie »

Le président turc peut se targuer du soutien appuyé de ses supporteurs, une semaine après l’échec d’un putsch qui a coûté la vie à 270 personnes dont 24 mutins, et blessé plus de 2.000 personnes.

Avant une manifestation anti-putsch qui s’annonce massive dimanche place Taksim à Istanbul, ils sont encore descendus dans les rues vendredi pour crier leur haine des fidèles de Fethullah Gülen.

« On ramènera aussi ce traître (…) de Pennsylvanie », a dit à la presse le ministre des Affaires étrangères Mevlüt Cavusoglu qui, drapeau en main, participait vendredi soir à un de ces rassemblements dans la ville côtière d’Antalya (sud).

Ankara réclame la remise du prédicateur, exilé aux Etats-Unis. Dans un contexte de tensions entre Ankara et Washington, le président Barack Obama a prévenu que cette question serait traitée conformément à la loi américaine.

Par le passé, les Etats-Unis « nous ont fait plusieurs demandes d’extradition, (…) nous ne leur avons jamais demandé aucun document », a relevé Recep Tayyip Erdogan qui a répété que de nouveaux éléments seraient envoyés d’ici « une dizaine de jours ».

Le président a affirmé que le chef d’Etat major de l’armée Hulusi Akar, resté loyal et pris en otage par les putschistes, s’était vu proposer par ses ravisseurs de s’entretenir au téléphone avec Fethullah Gülen. Mais ce dernier nie toute implication.

La répression de ceux qui sont identifiés comme ses fidèles se poursuit, malgré la libération des 1.200 soldats.

Vendredi, près de 300 militaires de la garde présidentielle, soit 10% de ce régiment, ont été mis aux arrêts. Des milliers de passeports de services, délivrés notamment à d’anciens députés, certains fonctionnaires ou des maires, ont été annulés.

Les purges n’épargnent aucun secteur. Selon l’agence Dogan, une trentaine de personnes liées au compte twitter @fuatavni, considéré proche des réseaux gulenistes, ont été arrêtées.

Si les autorités sont déterminés à poursuivre le grand ménage dans les services de sécurité, Hakan Fidan, le patron des puissants services de renseignement, le MIT, pris en défaut par le putsch, a pour le moment sauvé sa tête.

« Il y a eu une faiblesse en matière de renseignement », a reconnu le président Erdogan, qui avait échappé de justesse à un commando dans le complexe hôtelier de Marmaris (sud-ouest) où il passait ses vacances en famille.

Le Quotidien / AFP