Le Yémen a décrété mardi l’état d’urgence après des frappes de son allié et voisin saoudien, qui accuse les Émirats arabes unis d’agir de façon «extrêmement dangereuse» dans ce pays en soutenant les séparatistes.
Déjà affaibli par un conflit de longue date avec les rebelles houthies, le pays le plus pauvre de la péninsule arabique, au cœur de rivalités régionales, a vu s’ouvrir début décembre un nouveau front.
Le mouvement séparatiste du Conseil de transition du Sud (STC), qui est pourtant membre du gouvernement, s’est emparé ces dernières semaines de vastes portions de territoire, sans rencontrer de grande résistance. Et ses partisans l’appellent à rétablir un État dans le sud du Yémen, où une République démocratique et populaire a été indépendante entre 1967 et 1990.
Malgré les avertissements de l’Arabie saoudite, allié du gouvernement yéménite, le STC n’a pas battu retraite et mardi aux premières heures de la matinée, la coalition dirigée par Riyad a annoncé avoir visé des cargaisons d’armes au Yémen destinées aux séparatistes, accusant Abou Dhabi d’être à l’origine de ces livraisons.
«En raison des risques et de l’escalade que représentent ces armes, qui menacent la sécurité et la stabilité, les forces aériennes de la coalition ont mené ce matin une opération militaire limitée visant les armes et les véhicules de combat qui avaient été déchargés des deux navires dans le port d’al-Mukalla», a rapporté l’agence officielle saoudienne SPA.
«Menace»
Dans un communiqué, le ministère saoudien des Affaires étrangères a exprimé ses regrets face au fait que les Émirats aient «poussé» les séparatistes à mener des opérations militaires à «la frontière sud du royaume (…) constituant une menace pour la sécurité» de l’Arabie saoudite et de la région, en ajoutant que «les mesures prises par l’État frère des Émirats arabes unis (étaient) extrêmement dangereuses».
Le Conseil présidentiel, soutenu par Riyad, a de son côté indiqué qu’il annulait un pacte de défense avec les Émirats arabes unis, et déclaré l’état d’urgence sur tout le territoire.
«Les équipages de deux bateaux ont désactivé leurs systèmes de suivi et déchargé une grande quantité d’armes et de véhicules de combat pour soutenir les forces du STC», a indiqué l’agence SPA, précisant que les navires étaient arrivés du port de Fujairah, sur la côte est des Émirats arabes unis.
Selon la même source, l’opération n’a fait aucune victime.
Les Émirats n’ont pas réagi dans l’immédiat à cette annonce.
Dans une vidéo d’images aériennes diffusée sur les réseaux sociaux par l’agence, on peut voir du mouvement sur des bateaux, puis des dizaines de véhicules circuler dans le port avant de se rassembler sur un terrain vague.
Un responsable de l’infrastructure, qui a requis l’anonymat, a expliqué avoir reçu un appel à évacuer vers 4h (2h, heure de Luxembourg), «un quart d’heure avant la frappe».
«L’évacuation s’est terminée et une frappe a eu lieu un quart d’heure plus tard sur un terrain vague à l’intérieur du port. Il y a toujours des flammes. Nous n’avons pas pu amener des camions de pompiers par crainte d’explosions», a-t-il poursuivi.
Les autorités ont fermé les routes vers le port, a constaté un journaliste sur place.
Le chef de la diplomatie américaine, Marco Rubio, avait appelé vendredi à la «retenue», tout en évitant de prendre parti entre l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis, deux partenaires clés de Washington.
Ces nouvelles tensions pourraient fragiliser davantage encore le pays le plus pauvre de la péninsule arabique, au cœur de rivalités régionales.
Un conflit a éclaté en 2014 entre d’un côté, le gouvernement et ses alliés, dont le STC, et de l’autre, les rebelles houthis pro-iraniens, faisant des centaines de milliers de morts, morcelant le pays et provoquant l’une des pires crises humanitaires au monde. Une trêve conclue en 2022 est globalement respectée.
La coalition dirigée par l’Arabie saoudite, rivale de l’Iran, avait été créée en 2015 pour apporter son soutien au gouvernement yéménite.