Le Quotidien Indépendant Luxembourgeois
La petite-fille d’un Républicain espagnol fusillé au début de la guerre civile en 1936 a demandé lundi que ses restes soient exhumés et ne reposent plus près du dictateur Francisco Franco, pour la première fois devant la justice civile.
Selon l’avocat de cette famille, Me Eduardo Ranz, il s’agit de « la première procédure par voie civile, en Espagne » pour obtenir l’exhumation de restes de Républicains inhumés, contre la volonté de leurs familles, dans la crypte d' »El valle de los Caidos » (« la vallée des ceux qui sont tombés »), le plus spectaculaire des vestiges du régime franquiste (1939-1975).
Purificacion Lapeña, habitante de Saragosse de 57 ans, a pu présenter sa demande lundi devant un juge de San Lorenzo de El Escorial, à 50 km au nord-ouest de Madrid, la commune qui abrite le gigantesque monument mortuaire. « Mon père a 91 ans et il attend qu’on nous rende les restes de son père et son oncle pour pouvoir enfin leur donner une sépulture digne », a-t-elle dit. Elle a demandé l’exhumation des restes de Manuel et Antonio-Ramiro Lapeña, deux frères – l’un vétérinaire et l’autre forgeron – militants anarchistes, qui avaient été fusillés à Calatayud, une petite ville d’Aragon, au tout début de la guerre civile.
En 1959, leurs restes et ceux de sept autres hommes fusillés à Calatayud auraient été transférés à El valle de los Caidos, sur ordre du gouvernement franquiste. « Ils se trouvent là-bas près des restes de Franco et (du chef de la Phalange), José Antonio Primo de Rivera… C’est scandaleux », proteste Mme Lapeña.
En dépit de très vives polémiques, le « caudillo » reste enterré au sein du gigantesque monument religieux qu’il fit construire entre 1940 et 1958, notamment par des milliers de prisonniers républicains. Il s’agissait initialement de rendre hommage aux seuls nationalistes, « héros et martyrs de la glorieuse croisade », selon le régime franquiste. Mais, en 1958, il décida finalement d’en faire un mausolée pour tous les combattants morts pendant la guerre civile y compris ses anciens ennemis républicains.
« Si le juge ordonnait une exhumation, ce serait la première dans la Valle de los caidos, la plus grande fosse commune d’Espagne, avec plus de 33.000 morts, des deux camps », a affirmé Me Ranz. « 79 ans ont passé depuis le début de la guerre civile, 40 ans en démocratie, mais ce problème n’a toujours pas été résolu en Espagne », a-t-il ajouté.
Si la justice civile n’accède pas à sa demande, Mme Lapeña a assuré qu’elle allait « continuer par d’autres voies », évoquant un éventuel recours devant la justice européenne. « Satisfait » de l’audience, l’avocat a précisé que le juge lui avait donné « un délai de 30 jours pour apporter des documents demandés ».
AFP / S.A.
