Le Premier ministre Pedro Sanchez entame mercredi avec les séparatistes de Catalogne un dialogue pour tenter de désamorcer une crise qui envenime depuis des années la politique espagnole, dont dépend son maintien au pouvoir.
Le gouvernement central doit recevoir dans l’après-midi le chef du gouvernement régional de Catalogne, l’indépendantiste Quim Torra, avec une importante délégation, pour essayer de réduire la tension après la tentative de sécession de 2017 qui a convulsé l’Espagne et conduit des leaders séparatistes en prison ou à l’exil.
Aucun des deux camps ne se fait beaucoup d’illusions sur les résultats de cette première rencontre au palais de la Moncloa, siège du gouvernement. Mais la reprise du dialogue est la condition posée par un des deux grands partis indépendantistes, la Gauche républicaine de Catalogne (ERC), pour continuer à appuyer le gouvernement minoritaire de Pedro Sanchez et éventuellement voter le budget 2020. Faire voter le budget garantirait au Premier ministre socialiste trois ans de stabilité, puisqu’un même budget peut être reconduit deux années de suite. En revanche, se le faire retoquer par le Parlement l’obligerait à retourner aux urnes, comme il a dû le faire en 2019 quand ERC, déjà, lui a refusé ses voix.
Une modification du code pénal en faveur des séparatistes
Les deux parties ne sont d’accord ni sur les objectifs ni sur l’ordre du jour. Les Catalans réclament le droit d’organiser un referendum d’autodétermination et ce qu’ils appellent « la fin de la répression », soit une amnistie pour les condamnés et les exilés. Le gouvernement n’entend accepter ni l’un ni l’autre. L’important pour l’exécutif est d’analyser les causes de la crise politique qui en dix ans a fait de l’indépendance de la Catalogne, longtemps réclamée par une minorité, une cause soutenue par près de la moitié des Catalans.
« Le meilleur ordre du jour s’est s’asseoir et s’écouter mutuellement », a simplement souligné mardi la numéro deux du gouvernement, Carmen Calvo. Mais le gouvernement formé par les socialistes et la gauche radicale, Podemos, est prêt à un geste significatif : modifier dès cette année dans le code pénal le délit de sédition et alléger la peine qui le sanctionne. Si l’amendement passait, les longues peines que purgent actuellement neuf dirigeants séparatistes, dont le chef d’ERC, Oriol Junqueras, seraient réduites rétroactivement.
Face à l’opposition de droite qui dénonce « une remise de peine déguisée », le ministre de la Justice Juan Carlos Campo, a souligné que le délit de sédition a été introduit en 1822, dans un contexte historique complètement dépassé, et que les peines qu’il prévoit sont « inhabituellement lourdes » par rapport aux pays voisins. Reste à voir si cet engagement suffira à convaincre ERC de soutenir Pedro Sanchez même si le dialogue ne donne pas de résultats concrets.
Des négociations surveillées par Carles Puigdemont
Ce sera d’autant plus difficile pour ce parti créé en 1931 pour défendre l’indépendance de la Catalogne qu’il affronte depuis 2014 un parti démocrate chrétien qui s’est fait indépendantiste en 2014. Ce grand rival, qui porte actuellement le nom de Junts per Catalunya (Ensemble pour la Catalogne), est dirigé depuis Bruxelles par l’ancien président régional Carles Puigdemont, qui a désigné son successeur Quim Torra. Et Torra a annoncé la tenue cette année d’élections régionales anticipées dont il attend de fixer la date. Torra ne se rend à Madrid qu’à reculons. Il ne peut se permettre de refuser un dialogue qui offre à sa région une chance de cesser un affrontement stérile et sans issue mais tous s’attendent qu’il convoquera les élections quand il pourra dénoncer l’échec de négociations réclamées par ERC. Le premier test de la volonté d’ERC de collaborer avec Sanchez sera le vote jeudi du plafond des dépenses de l’État, étape préliminaire à l’adoption du budget.
AFP