L’adoption en Espagne d’une nouvelle loi permettant de verbaliser les prostituées et leurs clients suscite l’opposition des travailleuses du sexe, soutenues par les « indignés », qui refusent d’être assimilées à des « criminelles ».
En théorie, la prostitution est tolérée en Espagne, même si des villes comme Barcelone, Valence et Séville infligeaient déjà des amendes pour racolage et prostitution sur la voie publique. Mais en pleine année électorale, la droite au pouvoir a fait adopter une « loi de sécurité citoyenne », entrée en vigueur en juillet, afin de lutter contre différents troubles à l’ordre public et qui prévoit ces amendes.
Désormais, sont interdits les « actes d’exhibition obscène » et la prostitution près de lieux « destinés à l’usage de mineurs comme des établissements scolaires, parcs pour enfants ou espaces de loisirs ». Ces infractions, jugées graves, sont passibles d’amendes allant jusqu’à 600 euros pour les péripatéticiennes, et 30 000 pour leurs clients, sans passer devant un juge.
A Madrid, des prostituées ont récemment manifesté contre cette mesure, aux cris de « Non à la loi de sécurité citoyenne ! ».
Dans le parc industriel de Marconi, haut-lieu de la prostitution madrilène, elles ont voulu montrer leur nouveau quotidien dans une petite pièce de théâtre présentée mi-octobre : deux travailleuses du sexe arpentent le trottoir et font l’objet d’un contrôle d’identité. La scène, disent-elles, est devenue trop courante.
Précarité et danger
Maintenant « les passes avec nos clients sont plus rapides, plus précaires. Cela t’amène à aller travailler dans des endroits plus éloignés et cela comporte un danger », explique Ninfa, d’origine équatorienne, juste après la pièce. « Cette loi fait de nous des criminelles », dénonce-t-elle, déguisée en policier.
Ninfa milite au sein de l’Association féministe des travailleuses du sexe (Afemtras), regroupant des prostituées officiant dans le quartier de Marconi. Selon cette association, déjà plus de 300 amendes ont été infligées à des clients dans ce quartier. Quelque 240 amendes contre des prostituées ont été établies, même si leur règlement ne leur a pas encore été demandé.
Devant les caméras des médias, les manifestantes ont aussi fabriqué de petites affiches présentant les différents arguments avancés pour justifier cette loi, avant de les déchirer et les jeter dans des sacs poubelles : « Il faut infliger des amendes aux clients pour sauver les femmes réduites à la prostitution », « les prostituées salissent la rue »…
La loi a pour but « d’éviter que la prostitution s’exerce dans un environnement où se trouvent des mineurs », fait valoir la préfecture de Madrid, expliquant que le voisinage s’en plaint depuis « plus de 16 ans ».
AFP