Podemos a désigné dimanche Ione Belarra pour remplacer son chef historique Pablo Iglesias et présider aux destinées de la formation de gauche radicale espagnole avec Yolanda Díaz, future candidate de ce parti aux élections nationales.
Ultra-favorite face à deux concurrents inconnus, Ione Belarra, ministre des Affaires sociales âgée de 33 ans dont la désignation ne faisait aucun doute, a été élue secrétaire générale de la formation par les militants avec 89% des voix.
Avec sa nouvelle cheffe, le parti, membre de la coalition au pouvoir avec les socialistes de Pedro Sánchez, a tourné la page Iglesias lors de son congrès à Alcorcón, une banlieue populaire de Madrid.
Un congrès auquel n’a pas participé Pablo Iglesias pour montrer, a-t-il assuré, qu’il n’exercerait plus d’influence sur Podemos même si Ione Belarra est une membre de son premier cercle. « Podemos doit croître » et « continuer à travailler pour conquérir de nouvelles avancées » sociales, a déclaré cette dernière après sa désignation, alors que la formation de gauche radicale est en perte de vitesse depuis plusieurs années.
Chef charismatique depuis la fondation en 2014 de ce parti héritier du mouvement des Indignés, Pablo Iglesias a décidé de se retirer de la vie politique après son échec cuisant lors des régionales du 4 mai à Madrid, remportées par la droite.
« Pas dans la culture » de Podemos
Mais si Ione Belarra dirige désormais le parti, c’est la ministre du Travail, Yolanda Díaz (50 ans), qui sera chargée, avec la bénédiction de Pablo Iglesias, de mener Podemos et ses alliés à la bataille lors des prochaines élections nationales prévues au plus tard en janvier 2024. Une direction bicéphale qui « n’est pas dans la culture de Podemos », habitué au règne sans partage de Pablo Iglesias, souligne Paloma Román, professeur de sciences politiques à l’Université Complutense de Madrid.
Militante de la première heure de Podemos, Ione Belarra a travaillé par le passé à la Croix-Rouge et à la Commission espagnole d’aide aux réfugiés. Ayant toujours bénéficié de la confiance maximale de Pablo Iglesias, elle est devenue secrétaire d’État au sein du ministère de ce dernier lorsque Podemos est entré au gouvernement en janvier 2020.
Elle a ensuite hérité de son portefeuille lorsqu’il a décidé de quitter le gouvernement, dont il était l’un des vice-présidents, pour se présenter aux élections régionales à Madrid. Et elle s’est entourée pour diriger le parti des plus proches de l’ex-chef, à commencer par sa compagne, la ministre de l’Égalité Irene Montero, avec qui elle a étudié à l’université.
Deux styles différents
Si Ione Belarra et Yolanda Díaz, qui a récupéré la vice-présidence du gouvernement occupée par Pablo Iglesias jusqu’à sa démission, partagent un féminisme pugnace, leurs styles sont très différents.
Ione Belarra n’a jamais hésité à alimenter les tensions entre Podemos et les socialistes au sein de l’exécutif, allant jusqu’à qualifier la ministre socialiste de la Défense Margarita Robles de « ministre préférée » de la droite.
Ancienne avocate, militante communiste et fille de syndicaliste, Yolanda Díaz s’est forgée au contraire une image beaucoup plus conciliante lors de la négociation avec les partenaires sociaux de mesures phares comme le chômage partiel, qui a permis d’éviter les licenciements de centaines de milliers de personnes depuis le début de la pandémie. S’exprimant récemment devant les députés de Podemos, elle a prôné « calme et tranquillité » contre « l’anxiété » de la « politique de Twitter », où les membres de Podemos sont souvent très offensifs, y compris contre les socialistes.
« Je ne sais pas si Ione Belarra va pouvoir contrôler Yolanda Díaz », qui a « sa propre image, ses idées » et n’est pas encartée chez Podemos, pointe le politologue José Ignacio Torreblanca, auteur d’un livre sur le parti. Le parti s’oriente « vers une double gouvernance assez compliquée », dans laquelle Ione Belarra voudra « avoir un parti très fort et très contrôlé et ne pas laisser d’espace à Yolanda Díaz pour faire les choses à sa façon », estime-t-il. Selon l’analyste, « la bataille » se jouera en particulier lors de la conception du programme des législatives et de la désignation des candidats.
LQ/AFP