Le futur gouvernement espagnol de coalition entre les socialistes de Pedro Sanchez, qui a obtenu mardi la confiance des députés, et la gauche radicale de Podemos veut augmenter les impôts des plus riches, détricoter la réforme controversée du marché du travail et augmenter les salaires, au grand dam du patronat.
Hautement symbolique et très attendue par les syndicats, la première mesure de l’accord de gouvernement entre le PSOE et Podemos porte sur l’abrogation partielle de la réforme du marché du travail de 2012, loi phare du précédent gouvernement conservateur. L’ex-chef du gouvernement Mariano Rajoy en faisait l’une des principales raisons de la forte baisse du chômage en Espagne après la crise, en raison de la grande flexibilité qu’elle offre aux employeurs, autorisés à licencier sans raison économique. Mais pour ses détracteurs, cette réforme a fait grimper en flèche la précarité dans un pays qui détient le record européen du taux de contrats temporaires.
Hausse du salaire minimum
Le nouveau gouvernement promet de supprimer complètement ou de limiter fortement les mesures les plus controversées, comme l’autorisation de licencier un salarié en congé maladie ou la possibilité pour l’employeur de modifier unilatéralement le contrat de travail. Il souhaite aussi revenir sur la priorité donnée aux accords d’entreprise par rapport aux conventions collectives, accusée d’avoir favorisé des baisses de salaires. Le salaire minimum, déjà augmenté par Pedro Sanchez de 22% en 2019 à 1 050 euros bruts sur douze mois, sera progressivement rehaussé pour atteindre à la fin de la législature 60% du salaire moyen (actuellement de 1 970 euros bruts sur 12 mois).
Les retraites seront de nouveau indexées sur l’inflation, ce qui n’était plus le cas depuis 2014. L’impôt sur les revenus augmentera pour les contribuables les plus riches, gagnant plus de 130 000 euros par an, et un taux plancher sera fixé pour augmenter la contribution réelle des grandes entreprises et des banques, accusées de recourir aux déductions fiscales pour payer nettement moins d’impôts que les 25% obligatoires. Le gouvernement veut imposer un taux minimum de 15% pour les grands groupes et de 18% pour les banques et groupes pétroliers.
Loyers plafonnés
Le syndicat Commissions Ouvrières, qui juge le programme globalement « positif », regrette néanmoins un « manque d’ambition fiscale », rappelant que la pression fiscale en Espagne est inférieure à la moyenne européenne. L’objectif est de permettre aux mairies des villes frappées par une hausse « abusive » des loyers d’imposer temporairement des plafonds. Madrid et Barcelone sont confrontées depuis quelques années à une flambée des loyers, due en partie aux locations touristiques type Airbnb.
La nouvelle a provoqué une levée de boucliers du secteur de l’immobilier qui affirme que cette mesure dissuadera au contraire la construction de logements à visée locative, seule solution à la crise selon les professionnels.
La principale organisation patronale CEOE a dénoncé un programme économique « plus proche du populisme que de l’orthodoxie économique », estimant qu’il aurait un effet « très négatif sur la création d’emplois, l’avenir des entreprises » et l’investissement. Dans leur accord, socialistes et Podemos ont promis le « respect des mécanismes de discipline budgétaire » sans donner aucun détail chiffré, alors que la Commission européenne a souligné cet automne la lenteur du rythme de réduction de la dette publique.
LQ/AFP