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Équateur : les sauveteurs à la recherche des cadavres des disparus


Un corps extrait des décombres le 20 avril 2016 à Manta. (Photo : AFP)

Dans les ruines de Manta, l’une des villes dévastées par le séisme qui a affecté une bonne partie de la côte pacifique en Équateur, les sauveteurs cherchent désormais, parfois en vain, les cadavres de victimes disparues.

«Ca pue la mort! Malgré la peinture!» Un pompier, le visage dissimulé sous un masque blanc et de grosses lunettes de protection, s’extirpe de l’amas de gravats d’une quincaillerie de Tarqui. En fait, l’odeur de corps en décomposition flotte partout dans ce quartier commerçant, situé sur le front de mer et où pas un pâté de maison n’est intact. Le séisme de magnitude 7,8 a fait samedi plus de 500 morts, dont une centaine juste dans Manta, ainsi que plus de 5 500 blessés et au moins 1 700 disparus.

Les trois étages du magasin d’outillage se sont effondrés l’un sur l’autre, en un mille-feuille de béton armé duquel s’écoule un arc-en-ciel de laques dont les pots ont explosé. «Il se peut qu’il y ait un passant. Le chien a marqué ce site», précise le lieutenant-colonel Marco Antonio Artica, débarqué la veille du Honduras à la tête de 18 pompiers volontaires pour prêter main forte aux secours accourus de divers pays d’Amérique latine.

Le propriétaire a dit aux sauveteurs avoir aperçu un passant sur le trottoir alors qu’il venait de fermer sa quincaillerie «El Constructor». Quand la terre a tremblé, une partie du toit et des murs a été projetée dans la rue. «Là, il n’y a déjà plus de vivants», confirme Andrea Figueroa, jeune femme médecin de l’ONG mexicaine Cadena, qui avec son équipe, aidée d’un chien et d’un scanner «localisateur de vie», parcourt depuis lundi la station balnéaire de 253 000 habitants.

« Nous ne perdons pas espoir, mais… »

En dégageant prudemment à la main les décombres de la quincaillerie, les pompiers en combinaisons rouges et casques orange ne ménagent pas leurs efforts. «Nous ne perdons pas l’espoir de trouver des personnes vivantes. Mais après plus de 72 heures…», admet néanmoins le lieutenant-colonel Artica, sans terminer sa phrase, comme pour conjurer le sort. De temps à autre, ses hommes s’écartent et laissent la place à la pelle mécanique. «C’est compliqué, parce que les vibrations de la machine font tout bouger. Les décombres risquent de s’effondrer. Et puis il y a les émanations de peinture qui masquent l’odeur de la mort et gênent la respiration», ajoute-t-il.

L’immeuble voisin vacille sous les trépidations causées par les engins en action un peu partout dans le quartier de Tarqui. Sans parler des multiples répliques: plus de 500 depuis samedi, dont une particulièrement forte, de magnitude 6,1, mercredi à l’aube. Les pompiers se mettent en sécurité relative en gagnant le milieu de la rue, ramassant de la poussière au passage pour en frotter leurs gants collants de peintures et de solvants. Puis ils reprennent leur labeur, mais au bout de deux heures, toujours aucun corps. Ils abandonnent, en nage et dépités.

Même déception au coin de la rue où Manuel Vinueza, 33 ans, était persuadé que son oncle gisait enseveli sous l’immeuble écroulé qui, au rez-de-chaussée, abritait sa poissonnerie. «Nous savons qu’il est là. Les militaires ont trouvé ça», ne cessait-il de répéter, brandissant un sabot de plastique gris comme ceux que chaussait le poisonnier pour travailler. Mais les sauveteurs ne récupèreront aucun cadavre. L’odeur de la mort, que tout le monde autour croyait sentir, était en fait celle du poisson en train de pourrir.

Le Quotidien/AFP