Qu’est-ce qu’un döner ? Peu de doutes a priori sur la recette de cet incontournable mets d’origine turque, mais le débat tourne à la joute culinaire et diplomatique entre Ankara, qui revendique sa paternité, et Berlin, où le kebab est une spécialité.
À l’origine, il y a eu une requête déposée en avril par la fédération internationale du döner (Udofed), basée à Istanbul, devant la Commission européenne pour protéger le döner comme «spécialité traditionnelle garantie» : quantité d’ingrédients, type de viande et d’épices, épaisseur du couteau utilisé… L’organisation turque fait la fine bouche et veut définir strictement qui peut utiliser l’appellation «döner».
Émoi en Allemagne, où le döner est le symbole de la diaspora turque, principalement composée de descendants des «Gastarbeiter», ces travailleurs embauchés dans les années 1960 et 1970 dans les usines du pays. Berlin revendique même la paternité d’une des versions les plus populaires du döner, dégusté en sandwich : un Gastarbeiter berlinois, Kadir Nurman, «fut le premier à mettre de la viande dans un pain plat en 1972 et à inventer la version kebab si populaire en Allemagne», peut-on lire sur le site officiel de la capitale.
«Le kebab fait partie de l’Allemagne. Chacun devrait pouvoir décider lui-même de la manière dont il est préparé et mangé ici. Il n’y a pas besoin de directives d’Ankara», affirme le ministre allemand de l’Agriculture, Cem Özdemir, dont les parents sont des immigrés turcs. Plus généralement, la requête turque a été reçue à Berlin «avec étonnement», ont indiqué les services du ministère.
La législation européenne permet à des pays tiers (hors UE) de déposer une demande de protection et d’enregistrement de dénominations de produits au sein de l’Union européenne. À Berlin, où le kebab a depuis longtemps détrôné la saucisse allemande, Birol Yagci s’inquiète que la version turque n’autorise que la viande de bœuf, de mouton ou de poulet. «Ici c’est différent, la recette traditionnelle se fait avec du veau», explique ce chef d’un restaurant dans le quartier de Mehringdamm.
Derrière lui, deux broches transpirent, l’une est composée de dinde : elle aussi est menacée par la requête turque. «On consomme du döner dans le monde entier, ce n’est pas possible que la Turquie dicte aux autres ce qu’ils doivent faire», s’insurge le restaurateur de 50 ans, qui se dit toutefois prêt à modifier le nom de ses produits si nécessaire.
Mes clients savent ce qu’ils mangent, alors tant que la qualité est là, peu importe le nom !
L’Udofed justifie sa demande par la paternité ottomane du döner, dont la recette aurait été retrouvée dans des manuscrits de 1546. Pour le ministère de l’Agriculture, si cette demande «imprécise» et «contradictoire» est acceptée, «les conséquences économiques pour le secteur gastronomique allemand seraient énormes». Le syndicat allemand de l’hôtellerie-restauration DEHOGA pointe aussi le risque d’un «manque de clarté et de transparence», «de difficultés de délimitation juridique» et «une multitude de litiges à venir».
«Mes clients ne voudront pas manger de viande de mouton, ça a un goût très particulier», abonde Arif Keles, 39 ans, propriétaire d’un snack à l’ouest de la capitale. Selon lui, mieux vaudrait alors changer de nom que de produits : «Mes clients savent ce qu’ils mangent, alors tant que la qualité est là, peu importe le nom!»
L’Allemagne représente deux tiers du chiffre d’affaires du kebab en Europe, avec 2,4 milliards d’euros par an, selon ATDID, la fédération européenne du secteur. Le plat s’invite même sur la scène diplomatique : en avril, le président allemand, Frank-Walter Steinmeier, a emmené Arif Keles avec lui pour une visite d’État en Turquie. Avec, dans leurs bagages, une encombrante broche de veau congelée, servie lors d’une réception officielle. «En Turquie, le döner se mange dans une assiette. Je leur ai servi à la berlinoise, dans du pain avec de la sauce et ça leur a plu», sourit le restaurateur, petit-fils d’immigré turc.
La diversité du kebab peut-elle donc l’emporter ? C’est désormais à la Commission européenne de trancher, explique Olof Gill, porte-parole chargé de l’agriculture à l’institution bruxelloise. L’Allemagne a cette semaine formellement contesté la requête turque. Si cette opposition est recevable, les parties auront six mois maximum pour trouver un compromis, avant que la Commission ne tranche.
On ne parle plus beaucoup du GYROS grec dans tout ça. Quand est-il ?
C’est justement à la Schauberfuer que je l’ai découvert il y a deja plusieurs dizaines d’années. Je crois que le stand de Gyros était encore là l’année dernière.