Les jihadistes ont été chassés de leur bastion de Raqa en Syrie mais les dégâts y sont tels qu’il faudra des mois pour nettoyer et commencer à reconstruire la ville, un défi colossal et coûteux.
Bâtiments en ruines, routes jonchées de mines, des tonnes de gravats, pénuries d’eau et d’électricité: les violents combats et les frappes de la coalition internationale sous commandement américain ont ravagé la cité septentrionale. En septembre, les Nations unies estimaient que jusqu’à 80% de la ville pourrait être inhabitables. Et les infrastructures de base sont désormais quasi-inexistantes.
« Ces derniers mois, des sources locales ont signalé une grave pénurie de nourriture, de médicaments, d’électricité, d’eau potable et de produits de première nécessité », dit Linda Tom, porte-parole du Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU (Ocha).
« Des maladies transmises par l’eau et la présence de cadavres non enterrés ont été également signalées, ce qui représente un grave danger pour la santé publique », explique-t-elle à l’AFP. L’eau courante est indisponible depuis des mois, et seuls quelques puits sont restés en service avant la dernière phase de la bataille qui a vu mardi la défaite du groupe jihadiste Etat islamique (EI) face à une alliance de combattants arabes et kurdes soutenue par les Etats-Unis.
Il n’y a aucun approvisionnement en électricité, le réseau ayant été endommagé par les combats. Même les générateurs, qui fournissaient deux heures de courant par jour, n’ont plus d’essence.
‘Immenses investissements’
Il n’y a pas non plus d’installations médicales opérationnelles à Raqa, et les écoles ont fermé depuis longtemps, indiquent des ONG. « Des investissements immenses seront nécessaires pour reconstruire les maisons détruites, les hôpitaux et les écoles, et pour retirer les mines avant que les habitants ne puissent rentrer chez eux en toute sécurité », prévient l’ONG Save the Children.
« L’offensive militaire à Raqa touche à sa fin, mais la crise humanitaire est plus grave que jamais », avertit Sonia Khush, directrice du groupe pour la Syrie, dans un communiqué. Avant le déclenchement de la guerre en Syrie en mars 2011, quelque 220.000 personnes vivaient à Raqa. La population a grossi dans les premières années du conflit, lorsque des personnes déplacées s’y sont installées.
Mais la ville a été progressivement vidée de sa population, certains ayant fui pendant son contrôle par l’EI et d’autres s’échappant durant les combats entre jihadistes et les Forces démocratiques syriennes (FDS).
Environ 270.000 personnes ont été déplacées par les combats, mais elles ne pourront pas revenir tant que la ville n’aura pas été débarrassée des mines et explosifs disséminés par l’EI. Les habitants ont déjà été avertis de ne pas tenter d’entrer dans la cité tant que les opérations de nettoyage se poursuivent.
Débarrasser les mines
La lourde tâche de transformer Raqa en une ville à nouveau habitable revient au Conseil civil de Raqa, une administration locale formée il y a six mois. Ce Conseil a divisé la ville en différentes zones et prévoit de procéder par étapes, à partir de ses périphéries. « Nous ne pouvons rien faire avant de nous débarrasser des mines », a affirmé à l’AFP Ibrahim al-Hassan, membre du Conseil. « La deuxième phase consistera à restaurer les accès à l’eau et à l’électricité. Ensuite, nous pourrons nous occuper des écoles. Voilà les grandes priorités ». Mais le processus risque d’être onéreux.
Selon le Conseil civil, l’Union européenne a promis trois millions d’euros pour les opérations de déminage, tandis que Washington et la coalition antijihadistes ont promis une aide sur des projets à court terme et à « impact rapide ».
Selon des travailleurs humanitaires, des réunions entre donateurs, autorités locales et ONG sont en cours, mais le coût final de la reconstruction n’a pas encore été évalué, et nul ne sait qui va assumer l’essentiel de la facture. Arnaud Quemin, directeur par intérim de l’ONG humanitaire Mercy Corps pour la Syrie, dit craindre que « l’attention de la communauté internationale faiblisse » après la fin de la bataille. Car, dit-il, le plus dur reste à faire et cela prendra du temps.
Le Quotidien / AFP