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En proie à une mortalité record, le saumon norvégien est-il sain ?


Une vue aérienne prise le 5 février 2024 montrant la ferme aquacole Oksebasen, exploitée par le plus grand producteur mondial de saumon atlantique Mowi, à Giske, en Norvège. (photo AFP)

Vanté pour son Oméga 3 et ses vertus diététiques, le saumon norvégien n’affiche pas une grande forme dans les fermes piscicoles où il est élevé.

Près de 63 millions de saumons –un record– sont morts prématurément l’an dernier dans les grandes cages immergées dans les fjords du pays scandinave, plus gros producteur mondial de saumon atlantique.

Soit un taux de mortalité sans précédent, de 16,7 %, qui augmente d’année en année.

En cause: des maladies (du pancréas, des branchies, du cœur…) mais aussi des blessures occasionnées lors d’opérations visant à les débarrasser des poux de mer, parasites qui se repaissent de leur hôte.

« La mort d’animaux est un gaspillage de vies et de ressources », note Edgar Brun, chef de la division santé et bien-être du poisson à l’Institut vétérinaire norvégien.

« Nous avons aussi une responsabilité morale, éthique de leur garantir les meilleures conditions possibles ».

Pas toujours ragoûtant

Le saumon mort prématurément est généralement transformé en aliment pour animaux ou biocarburant.

Mais, selon les médias norvégiens, il se pourrait que des poissons malades au moment de l’abattage, voire déjà morts, atterrissent dans les assiettes, parfois sous le label « supérieur ».

« Je vois en vente du poisson que moi-même je ne mangerais pas », témoignait l’ex-cheffe qualité dans un abattoir, Laila Sele Navikauskas, en novembre sur la chaîne NRK.

Selon les experts, sa consommation ne pose pas de risque pour la santé humaine.

« Les agents pathogènes courants qui causent des maladies chez le saumon ne sont pas transmissibles aux humains », assure Edgar Brun.

Mais ces révélations nuisent à l’image qualitative que le secteur tente d’installer.

« Si vous achetez de la viande dans un magasin, cela vous paraît évident qu’elle provient d’un animal qui a été abattu dans les règles et non pas qui gisait mort en dehors de l’étable », fait valoir Trygve Poppe, spécialiste de la santé des poissons.

L’Autorité norvégienne de sécurité alimentaire a relevé des irrégularités dans les élevages lors d’une inspection sur deux l’an dernier: du poisson blessé ou présentant des malformations a été illégalement exporté notamment.

Pour des questions de réputation, seule l’exportation de saumons de qualité supérieure ou ordinaire est autorisée.

Le poisson de moindre qualité, qui constitue une part croissante du stock, ne peut être vendu à l’étranger qu’après transformation, débité en filets par exemple.

L’enjeu est de taille. Les exportations de saumon ont rapporté quelque 10 milliards d’euros à la Norvège l’an dernier, le 1,2 million de tonnes vendues représentant l’équivalent de 16 millions de repas quotidiens.

Question de confiance 

Pour Robert Eriksson, chef de l’organisation Sjømatbedriftene qui représente les petits producteurs – globalement jugés plus vertueux –, les écarts éventés chez certains éleveurs sont « totalement inacceptables ».

« Nous vivons de la confiance », dit-il.

Prendre des raccourcis, « c’est comme pisser dans son pantalon: ça ne réchauffe qu’un instant », ajoute-t-il. « Puis, on est puni par le marché et l’impact économique est beaucoup plus important que les quelques kilos supplémentaires qu’on aura vendus ».

Sjømat Norge, l’association représentant les grands groupes aquacoles – les plus souvent montrés du doigt –, assure se mobiliser mais réclame du temps.

« En moyenne, il faut trois ans pour élever un saumon », souligne son directeur, Geir Ove Ystmark. « Il est donc difficile de voir aujourd’hui des résultats immédiats même si nous avons lancé toute une série d’initiatives et de mesures ».

C’est précisément la vitesse à laquelle le poisson est élevé qui pose problème, d’après Trygve Poppe, critique de « conditions animales terriblement mauvaises ».

« Le saumon est soumis au stress toute sa vie, de son éclosion en eau douce jusqu’à son abattage », fait valoir cet ancien professeur de l’École vétérinaire, qui dit avoir arrêté d’acheter du saumon d’élevage.

« Par exemple, pendant la première phase en eau douce, on manipule la lumière et la température pour qu’il grandisse le plus vite possible: à l’état sauvage, cette phase prend de deux à six ans. En élevage, c’est entre six mois et un an ».

Au-delà des considérations éthiques, renforcer le bien-être animal répond à une logique économique : 63 millions de saumons morts avant l’heure, c’est près de 2 milliards d’euros de manque à gagner.

Selon Truls Gulowsen, leader de Naturvernforbundet, la branche norvégienne du mouvement Amis de la Terre, la hausse de la mortalité découle d’une « industrialisation » trop poussée.

« Nous avons génétiquement créé un poisson d’élevage qui a de mauvaises capacités de survie et qui meurt d’une combinaison de stress et de mauvais gènes parce qu’il a été sélectionné pour croître le plus vite possible et a subi un changement brutal de sa diète », dit-il.

Pistes d’amélioration 

Sjømatbedriftene ambitionne de réduire la mortalité de moitié d’ici 2030, et le géant Salmar a investi plus de 40 millions d’euros pour plancher sur la question.

Parmi les pistes évoquées, un espacement accru des fermes aquacoles et de nouvelles technologies, notamment des installations dites fermées où l’eau est filtrée.

Cette technologie aiderait à se prémunir contre les poux de mer, mais elle est plus chère.

Le gouvernement insiste sur la responsabilité qu’ont les éleveurs de respecter les réglementations.

« Tous les producteurs n’affichent pas le même taux de mortalité, il est possible de le faire baisser », note le secrétaire d’Etat au ministère de la Pêche, Even Tronstad Sagebakken.

Deux textes en préparation l’un sur le bien-être animal l’autre sur l’exploitation des mers, devraient, selon lui, y contribuer.

En attendant, l’Autorité de sécurité alimentaire dit toujours recevoir des signalements indiquant que du saumon non réglementaire continue de sortir du pays.

Un commentaire

  1. Poser la question c est y repondre.
    Cette forme d elevage de masse n est certainement pas faite pour ameliorer la sante des animaux destines a la consommation humainre