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En France, une usine historique d’armement relancée par la guerre en Ukraine


L'usine, qui périclitait, est relancée. (photos AFP)

Longtemps menacée de faillite, une usine d’armement des Hautes-Pyrénées, dans le sud-ouest de la France, a retrouvé un second souffle en fournissant à l’Ukraine des fûts d’obus cruciaux dans sa guerre avec la Russie.

Seule rescapée d’un arsenal fondé à la fin du XIXe siècle, l’usine des Forges de Tarbes produit chaque mois, depuis septembre, environ 1 500 fûts d’un obus de calibre 155 mm qui équipe les dizaines de canons Caesar, fournis par la France à l’Ukraine. Dans l’usine, les fûts d’acier rougeoyant s’empilent à proximité du cœur de forge dont ils viennent de sortir après y avoir été façonnés à plus de 1 000 degrés. En quelques minutes, usinés sur d’autres postes de travail, ils prendront leur forme en ogive, avant de rejoindre les palettes de livraison à l’entrée de l’usine.

Le site envisage désormais de produire un 155 mm plus standard, le M.107, pour alimenter d’autres types de canons utilisés par Kiev. « Aujourd’hui, on est sur des besoins extraordinaires en Ukraine », souligne Jérôme Garnache-Creuillot, PDG d’Europlasma, maison mère des Forges de Tarbes.

L’Ukraine tire 5 000 à 7 000 obus de 155 mm par jour, soit environ 2 millions par an, détaille Anthony Cesbron, directeur général adjoint du site. Les besoins du pays représentent ainsi « beaucoup plus que la production cumulée de l’ensemble des pays de l’OTAN », selon les responsables de cette usine remise en selle par le vent de l’histoire.

Avant la guerre en Ukraine, le site était passé de repreneur en repreneur et n’avait échappé à la liquidation judiciaire qu’à la faveur de son rachat, à l’été 2021, par Europlasma. « C’est un renouveau et un retour aux sources », estime Pierre Burtin, 55 ans, rentré en apprentissage à 14 ans à l’arsenal.

Plans sociaux 

Sa longue histoire remonte à la guerre franco-allemande de 1870 et à la volonté d’éloigner le plus possible cette industrie stratégique de la frontière avec l’Allemagne, alors ennemi héréditaire de la France. Fournisseur essentiel de la défense française, l’arsenal périclite peu à peu avec la fin de la guerre froide et le coup de frein subi par les industries d’armement.

Plans sociaux et restructurations s’enchaînent : au fil des années, les installations de l’arsenal ferment les unes après les autres. Les Forges résistent mais ont un temps abandonné la production de munitions pour la fabrication de raccords pour cannes de forage pétrolier. Et au moment du rachat à l’été 2021, Europlasma devait orienter le site vers d’autres utilisations que l’armement.

La guerre en Ukraine en a décidé autrement et l’usine se relance. « La priorité, c’est de se doter d’un outil de production qui nous permette de passer de 1 500 unités par mois à 5 000 puis 10 000 et 15 000 à l’horizon 2025 », prévoit Jérôme Garnache-Creuillot. Pour cela, l’entreprise recrute : de 25 salariés au début de la crise en Ukraine, l’effectif est passé à 30, devrait atteindre les 50 fin 2023 et plus de 60 personnes en 2024, loin toutefois de l’âge d’or de l’arsenal dans les années 80.

À moyen terme, le site compte aussi sur le fait que la demande en obus de 155 mm va être largement alimentée par le besoin de réalimenter les stocks des pays de l’OTAN, qui sont actuellement consommés par l’Ukraine. Et plus largement, insiste Anthony Cesbron, la crise a « remis au premier plan la question de la souveraineté industrielle en matière de défense et rendu de nouveau important l’intérêt de maîtriser la chaîne complète de fabrication des munitions ».