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En Espagne, tapis rouge pour la droite après le psychodrame socialiste


La débâcle socialiste s'est soldée par la démission de Pedro Sanchez. Les militants ont cru jusqu'au bout à un retournement de situation. (Photo AFP)

Le psychodrame à la tête du Parti socialiste espagnol (PSOE), où Pedro Sanchez a été poussé à la démission par ses pairs, devrait déboucher sur la fin du blocage politique de l’Espagne, déroulant un tapis rouge pour la droite.

L’image en Une du quotidien El Pais en dit long : dans la salle du sous-sol du siège madrilène où parlementaires et dirigeants socialistes s’étaient enfermés samedi pour décider du sort de Pedro Sanchez, on devine une querelle généralisée. Une femme à la mine exaspérée lève la main avec énervement en s’adressant à l’un des poids lourds du parti. Prise par un participant à la réunion et diffusée sur les réseaux sociaux, cette image volée est celle d’un parti « cassé », « battu », « dévasté » écrivent les journaux espagnols dimanche.

Samedi soir, Pedro Sanchez a annoncé sa démission, ayant été désavoué sur son projet de convoquer d’urgence un congrès pour mettre fin aux divisions du PSOE sur la manière de surmonter la paralysie politique du pays. L’Espagne est en effet sans nouveau gouvernement depuis neuf mois après deux élections législatives, en décembre 2015 et en juin, qui ont débouché sur un Parlement fragmenté entre quatre formations : le PP de Mariano Rajoy, chef du gouvernement depuis 2011, le PSOE, Podemos (gauche radicale) et Ciudadanos (centre libéral). Le dernier score du PP, avec 137 élus sur 350, rend en effet indispensable une abstention du PSOE (85 élus) pour qu’un nouveau cabinet conservateur puisse être investi. Or les partis n’ont plus que quelques semaines, jusqu’au 31 octobre, pour parvenir à un compromis et investir un nouveau cabinet. S’ils échouent, le roi devra convoquer un nouveau scrutin pour décembre, les troisièmes législatives en un an.

Un parti en lambeaux

Jusqu’à présent, Pedro Sanchez avait défendu le « non c’est non », estimant que le PSOE devait s’opposer au maintien au pouvoir d’un parti sali par les affaires de corruption et ayant mené une politique d’austérité sans précédent. Il voulait tenter un gouvernement alternatif, de gauche. Mais ses opposants, qui ont fini par le faire tomber samedi, estimaient qu’il avait peu de chances d’y arriver et prenait le risque de provoquer des élections où le parti perdrait encore des voix, après plusieurs défaites historiques liées à l’ascension de Podemos. Désormais, le parti étant en lambeaux, il sera encore plus difficile qu’il puisse rechercher des alliés pour un gouvernement alternatif, selon un professeur de sciences politiques à Madrid. « Il n’a plus que deux choix : soit l’abstention soit de nouvelles élections. »

La neutralité des élus du PSOE assurerait donc la formation d’un nouveau gouvernement à Mariano Rajoy, en position de force. C’est lui qui peut agiter l’épouvantail des élections voire être tenté par cette option qui lui ferait mécaniquement gagner du terrain. Car un nouveau scrutin serait sans doute marqué par un fort taux d’abstention des électeurs de gauche déboussolés. « L’année a commencé sans gouvernement et se terminera sur la renaissance de M. Rajoy », note Ignacio Escolar, directeur du journal de gauche eldiario.es. Ce qui s’est produit au sein du Parti socialiste « annonce des années d’hégémonie de la droite » face à une gauche divisée, confiait aussi un proche de Pedro Sanchez après le début du coup de force le visant.

Pour éviter un nouveau scrutin, les socialistes pourraient ainsi être contraints de s’engager à approuver le budget de l’État, qui s’annonce saignant alors que Bruxelles impose à l’Espagne de se serrer la ceinture pour réduire son déficit public. La direction intérimaire du parti a été confiée au président socialiste de la région des Asturies, Javier Fernandez Fernandez, qui serait partisan de l’abstention. Il sera aux commandes jusqu’à la tenue d’un congrès du parti.

Le Quotidien/AFP