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En Côte d’Ivoire, la «tour Eiffel» de Yamoussoukro


Jusqu'à 300 000 personnes par an viennent du monde entier visiter l'édifice. (Photo : afp)

Critiquée et parfois moquée pour sa démesure lors de sa construction dans les années 1980, la basilique Notre-Dame-de-la-Paix de Yamoussoukro est devenue au fil des ans une «fierté» nationale en Côte d’Ivoire, où elle fait désormais l’unanimité.

Les visiteurs interrogés dans la capitale ivoirienne s’en souviennent comme si c’était hier. «Au début, ça a fait jaser, c’était cher, ça prenait beaucoup de place…», sourit Jude Khane, fidèle et vendeur de carnets de prière. Mais le président Félix Houphouët-Boigny, chef de l’État de 1960 à sa mort en 1993, «nous a convaincus, et maintenant elle est devenue un emblème national qui fait venir beaucoup de monde», se réjouit le trentenaire en chemise à fleurs, dont le bureau semblerait presque lilliputien sous le porche de l’immense bâtisse.

«Elle n’est pas simplement un lieu de culte, un bâtiment religieux. Elle est quelque chose que tout le monde vient visiter. Un symbole du pays», souligne sa voisine, Anne-Brigitte Acakpo. «Finalement ce n’était pas de l’argent gaspillé, c’est devenu une fierté», abonde Nicolas, un touriste, venu en famille d’Abidjan pour la visiter.

«1 500 ouvriers y ont travaillé jour et nuit»

En 1983, le père de l’indépendance fait de son village natal de Yamoussoukro, à l’origine une petite bourgade dans la savane, la capitale politique et administrative de son pays. À côté des larges avenues bitumées et imposants bâtiments officiels sortis de terre, il fait don de 130 hectares de ses cocoteraies personnelles pour «rendre grâce au Seigneur et y bâtir une église sur ses deniers personnels», conte la guide Ruth Gueu, 28 ans.

Inspirée de Saint-Pierre de Rome, conçue notamment par l’architecte ivoiro-libanais Pierre Fakhoury, de 1980 à 1986, «il ne faudra que trois années, jusqu’en 1989, pour l’édifier. Trente-six entreprises ont participé à sa construction, 1 500 ouvriers y ont travaillé jour et nuit.» La basilique Notre-Dame de la Paix est consacrée le 10 septembre 1990 par le pape Jean-Paul II.

Le monde entier nous l’envie. Là, on a vraiment battu tout le monde!

Les chiffres et les formules choc sont rappelés par Ruth Gueu à chaque visiteur : «Cent-vingts mètres jusqu’à la colombe du dôme, 158 mètres jusqu’à la croix au-dessus du toit, deux mètres plus haute que Saint-Pierre de Rome!» Cent mille tonnes de béton, 37 hectares de jardin, une esplanade de 15 000 m2 de granit et de marbre, un parvis gigantesque de 84 colonnes «en forme de bras ouverts pour dire « Akwaba » (NDLR : bienvenue)». Soixante colonnes géantes dont quatre dissimulent des ascenseurs, 7 367 m2 de vitraux éblouissants sur 36 verrières. Et dans le coin de l’un d’eux, le président Houphouët agenouillé, les mains en prière, aux pieds du Christ.

Jusqu’à 300 000 personnes par an viennent du monde entier visiter l’édifice, affirme Guy-Roger Nguessan, l’un de ses administrateurs. L’église est d’abord «un lieu de prière et de recueillement qui gagne des âmes à Jésus», insiste l’un des gardiens à gilet fluo, entre deux contrôles des billets.

«Houphouët était le meilleur»

«Oui, c’est vrai, au début les gens disaient : « Mais à quoi ça sert? »», concède Youssouf Fofana. «Mais maintenant, le monde entier nous l’envie. Là, on a vraiment battu tout le monde», s’esclaffe-t-il. Venu avec sa femme, il vit en Italie depuis 21 ans. «C’est la première fois que je visite ici. La basilique, c’est notre tour Eiffel à nous. Tout est tellement gigantesque… (…) La combinaison des couleurs des vitraux est paradisiaque. C’est du balèze, vraiment!», s’enthousiasme de quadragénaire de confession musulmane.

Olivier Mbrah, venu du Mali, est lui aussi «scotché». «Je voyais ça en petit sur des vidéos d’internet, mais en vrai là, c’est tellement immense… Houphouët était le meilleur, il a dépassé tout le monde ! Oui c’était beaucoup d’argent, mais aujourd’hui, c’est notre effigie.» «À l’époque il y a eu des critiques, notamment de la part de l’opposition avec le début du multipartisme», rappelle Ruth Gueu. «Mais ils sont passés par là et ils ont découvert quelque chose d’immense et sont tombés en admiration.» «Au début, on n’en avait pas forcément conscience. Aujourd’hui, nous sommes si fiers», conclut la guide.

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