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En Allemagne, un ex-réfugié syrien devient maire d’une commune rurale


À 29 ans, Ryyan Alshebl va prendre ses fonctions à la tête du conseil communal du village d'Ostelsheim. (Photo : AFP)

Lorsque Ryyan Alshebl a débarqué à bord d’un radeau de fortune sur l’île grecque de Lesbos, il ne pouvait pas imaginer qu’à peine huit ans plus tard, il deviendrait le maire d’un paisible village allemand.

« Il faisait nuit, et pas une lumière ne brillait sur les côtes de Lesbos », se souvient-il à l’occasion d’une conférence de presse à Berlin, avant sa prise de fonction. « Quelques heures plus tôt, nous étions dans une banale ville de Méditerranée, en Turquie. Puis, l’ambiance a changé, avec le froid, les ténèbres, et bien sûr la peur, qui accompagnent ce type de voyage », détaille-t-il.

À 29 ans, Ryyan Alshebl a été élu en mars à la tête du conseil municipal du paisible village d’Ostelsheim, dans le sud-ouest de l’Allemagne. Il doit prendre ses fonctions en juin. Son élection a eu un retentissement historique. Il sera le premier, parmi les centaines de milliers de réfugiés syriens ayant trouvé asile en Allemagne en 2015, à prendre la tête d’une commune dans son pays d’accueil.

Lorsqu’il est arrivé en Allemagne, Ryyan Alshebl n’avait que 21 ans. Il a fui la Syrie pour échapper au service militaire obligatoire de son pays, plongé dans la guerre civile. Il y a rejoint un frère, qui bénéficiait déjà d’un visa étudiant. Par la suite, quatre de ses amis ont, eux aussi, trouvé refuge en Allemagne, mais ses parents et son autre frère sont restés en Syrie.

Après avoir accosté en Grèce, le jeune homme a traversé la Macédoine, la Serbie et la Croatie en transports publics et à pied, mettant au total 12 jours pour atteindre l’Allemagne.

Naturalisé en 2022

Ryyan Alshebl a rapidement appris la langue de son pays d’accueil, avant de décrocher un stage d’assistant administratif à la mairie d’Althengstett, un village près d’Ostelsheim. « Si vous êtes à la campagne, vous n’avez pas le choix », explique-t-il. Après des années de présence en Allemagne, il a finalement obtenu la nationalité en 2022, essentielle pour exercer des mandats locaux.

Son expérience de l’exil lui a fait « prendre des responsabilités non seulement pour (lui), mais aussi pour les autres », déclare-t-il. « Cela forge une personne, cela crée une nouvelle personnalité ».

Ryyan Alshebl s’est présenté en tant qu’indépendant lors de cette élection, réunissant 55,41 % des voix de ce village de 2 700 âmes. Mais il est aussi membre des Verts, car « la protection du climat est très importante » pour lui. Sa victoire est particulièrement retentissante dans cette ville réputée conservatrice, nichée au milieu de collines et de champs bordés de murs en pierres et de haies.

Ryyan Alshebl explique son élection par sa capacité d’écoute des problèmes des habitants de la bourgade, et sa campagne où une attention particulière a été apportée sur les questions de la garde des enfants et du numérique. Il affirme toutefois n’avoir « rien ressenti » lors des résultats, tant il était « bouleversé ».

Les jours suivant sa victoire, alors que les messages de félicitations affluaient du monde entier, il s’est progressivement rendu compte à quel point son histoire « était plus qu’une simple élection municipale dans une petite bourgade ».

«Un signe d’ouverture sur le monde»

La grande crise migratoire de 2015 avait marqué l’essor du parti d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (AfD). Avec sa campagne agressive contre les migrants, la formation avait réussi deux ans plus tard à faire une entrée fracassante au Parlement.

Ryyan Alshebl voit toutefois dans sa victoire, face à deux autres candidats locaux ayant pourtant grandi dans la région, un signe de « l’ouverture » d’esprit des électeurs. « C’est un signe que les gens n’ont pas pris en compte l’origine, mais les qualifications aux yeux des électeurs. C’est un signe d’ouverture sur le monde », se félicite-t-il.

Les parents de Ryyan Alshebl, une professeure des écoles et un ingénieur agricole, appartiennent à la minorité druze en Syrie. Lui se définit comme non religieux. Lorsqu’il repense au pays qu’il a laissé derrière lui en 2015, il ressent des « sentiments mêlés ».

« C’est le pays où je suis né et où j’ai grandi, où j’ai passé mon enfance et ma jeunesse, où sont mes amis et ma famille élargie. Et les gens avec lesquels j’ai grandi me manquent », dit-il. « Mais je suis heureux d’avoir eu la chance de vivre ici. D’autres ne l’ont pas eue ».