La pluie battante sur Nongoma, en Afrique du Sud, a rapidement été interprétée comme un symbole. Mercredi en pays zoulou, des milliers de personnes se sont rassemblées, la plupart en tenues traditionnelles, pour les funérailles du 8e roi du « peuple du ciel ».
Goodwill Zwelithini, roi des Zoulous, est mort vendredi à 72 ans, après 50 ans de règne. Dans sa ville d’origine du KwaZulu natal (Nord-Est), les affaires et le temps étaient suspendus pour rendre hommage à ce chef traditionnel, incarnation de deux siècles d’histoire de la Nation zouloue.
Cette nuit, sa dépouille sera « plantée » dans la terre, selon le rite et la croyance en la survivance de l’âme. Seuls des hommes seront présents à cette cérémonie privée. Un hommage national sera rendu jeudi.
En milieu de journée, ce sont quelques centaines d' »Amabutho » (guerriers), en tenue traditionnelle, peaux de léopard, lances et boucliers, qui sont venus chercher le corps du souverain à la morgue de la petite ville.
« Nous pleurons notre roi », ont-ils scandé au départ du corbillard qui allait transporter les restes de Goodwill Zwelithini, vers le palais de KwaKhethomthandayo, une des sept demeures du souverain, avant le début des obsèques.
Des dizaines de jeunes femmes, parées de colliers de perles et les seins nus, ont escorté les hommes sur la route, tour à tour poussant des cris aigus et entonnant des chants traditionnels. Certaines brandissaient des drapeaux à l’effigie du monarque. « Nous sommes brisés. Nous ne savons même pas si le nouveau roi va continuer la danse des roseaux », dit Samukelisiwe Mtungwa, 21 ans.
À la fois vénéré et controversé, Goodwill Zwelithini a rétabli dans les années 1980 l’Umhlanga, la danse annuelle des roseaux. Pendant huit jours en pays zoulou, des jeunes filles vierges en tenue traditionnelle, poitrine dénudée, coupent des roseaux et dansent autour de la résidence royale. Amassés sur le bord des routes, quelques milliers de personnes, téléphones portables à la main pour garder un bout d’histoire, sifflaient et chantaient au passage du cortège.
Roi sans pouvoir, le chef zoulou exerce une influence morale sur plus de onze millions de personnes de l’ethnie la plus nombreuse dans une Afrique du Sud aux onze langues officielles. À la fin de l’apartheid, les chefs traditionnels ont obtenu d’être reconnus par la Constitution, ils continuent à jouer un rôle symbolique important.
« Prosternées »
Aux abords du palais aux tuiles rouge passé, des grappes de personnes voulant rendre un dernier hommage affluaient depuis le début de la matinée, malgré les appels de la famille royale à éviter les rassemblements à cause de la pandémie de coronavirus. La police sur place tentait de faire observer les mesures de distanciation.
Un patriarche qui a arrêté de compter les ans et a vu le précédent souverain, le père de Goodwill Zwelithini, se rappelle de ce dernier, enfant, qui aimait ramasser le miel dans la brousse.
Des vaches dans des bétaillères tirées par de gros engins attendent sur le bas-côté. Dans la culture zouloue, le bétail, traditionnellement échangé contre des femmes sous forme de « lobolo » (dot) ou offert aux familles régnantes, a une grande valeur symbolique. Sur une pelouse, une hutte en paille a été dressée : c’est là que le corps sera placé avant d’être mis en terre. À l’arrivée du corps au palais, les femmes se sont prosternées en signe de respect. Des prêtres incantaient des prières. Un des fils du souverain s’est effondré, en larmes.
Le cercueil en bois marron recouvert d’une peau de léopard a été déposé dans le palais couleur crème. Le nom du successeur du roi Goodwill Zwelithini, qui avait six femmes et une trentaine de descendants, est encore tenu secret. Son fils aîné est lui-même décédé en novembre. Les dernières volontés du souverain, qui avait été hospitalisé en février souffrant de diabète, doivent être lues à l’issue de la mise en terre.
AFP/LQ