L’activiste russe Piotr Pavlenski, à l’origine d’une tempête politique en France avec l’affaire Griveaux, avait fui fin 2016 la Russie face à la menace de poursuites pour « violences sexuelles » qu’il avait affirmé être montées de toutes pièces.
Connu pour ses « performances » chocs à connotation politique opposées au Kremlin, qui lui ont déjà valu de comparaître plusieurs fois devant la justice russe, M. Pavlenski a été placé en garde à vue dimanche en France et une enquête a été ouverte contre lui après la diffusion de vidéos intimes de Benjamin Griveaux, un proche du président Emmanuel Macron. M. Griveaux a été contraint de se retirer de la course à la mairie de Paris.
M. Pavlenski a quitté la Russie en décembre 2016, en voiture avec ses deux enfants, pour le Bélarus puis l’Ukraine avant de prendre un avion pour la France, où il a obtenu l’asile politique.
Ce qui a motivé son départ: son interpellation le 14 décembre, avec sa compagne de l’époque Oksana Chalyguina, à l’aéroport de Moscou au retour d’un voyage à Varsovie. Le couple est interrogé pendant plusieurs heures par le Comité d’enquête russe pour un « contrôle préalable » sur des accusations d’agression sexuelle.
« On nous a expliqué qu’on avait en gros deux possibilités (…) aller en prison dans un camp pour dix ans, avec tout le loisir d’expliquer aux autres prisonniers qu’on avait été victimes d’une sale intrigue, ou partir de Russie », a relaté l’artiste lors d’un entretien en janvier 2017, en France.
M. Pavlenski est mis en cause par Anastasia Slonina, jeune actrice du théâtre moscovite teatr.doc, connu pour ses pièces aux thèmes très politiques. Oksana Chalyguina, qui s’occupe d’une maison d’édition dédiée à « l’art politique », est aussi visée.
Selon des médias russes et français, la comédienne a porté plainte après un incident au domicile du couple le soir du 3 décembre, où elle dit avoir été violentée et blessée.
L’artiste conteste farouchement ces accusations. « Je ne sais pas quel est l’intérêt de la personne qui a fait cette fausse déclaration mais en l’occurrence elle est très utile au pouvoir qui peut de cette façon nous exclure de notre champ d’action », accusait-t-il en janvier 2017 à Paris.
« Exclus »
Sa fuite est d’ailleurs pour lui un bannissement en bonne et due forme: « Si on nous a exclus (…), c’est bien pour notre position », soulignait-t-il alors en rappelant avoir déjà été victime d’un « acharnement psychiatrique », qui lui a valu de séjourner à l’institut Serbski, tristement célèbre pour avoir « pratiqué la +rééducation+ à l’époque soviétique ».
L’artiste russe a reconnu toutefois dans le journal Libération en 2017 avoir eu des rapports intimes avec Anastasia Slonina et avoir passé à tabac en novembre l’ex-petit ami de la jeune femme, Vassili Bérézine, comédien du même théâtre moscovite.
Interrogé mardi, l’avocat de la jeune comédienne, Iouri Lyssenko, a dit que sa cliente, aujourd’hui, « ne veut plus entendre parler de cette affaire et de cette mauvaise personne ».
« Il n’a pas seulement commis un crime envers elle, mais il est parti. Et la France l’a accueilli à bras ouvert et lui a accordé l’asile politique », a souligné M. Lyssenko. « Maintenant, ils savent quel genre de personne il est ». Selon l’avocat, Piotr Pavlenski n’est toutefois pas actuellement recherché par la justice en Russie. Le Comité d’enquête russe, qui n’a jamais annoncé l’ouverture d’une enquête officielle contre l’artiste contestataire, n’était pas joignable dans l’immédiat.
La télévision publique russe a en tout cas déjà trouvé son cheval de bataille dans cette affaire : la chaîne d’Etat Rossiya 24 racontait ainsi mardi, sans ambages, la « lutte de l’artiste russe Pavlenski contre le sanglant régime français ».
AFP
Affaire Griveaux : Alexandra de Taddeo mise en examen et placée sous contrôle judiciaire
Alexandra de Taddeo, compagne de l’artiste russe Piotr Pavlenski qui a diffusé les images fatales à la candidature aux municipales à Paris de Benjamin Griveaux, a été mise en examen mardi et placée sous contrôle judiciaire, a-t-on appris auprès de sources concordantes.
Mme Taddeo, destinataire des images à caractère sexuel de Benjamin Griveaux, a été mise en examen pour « atteinte à l’intimité de la vie privée » et « diffusion sans l’accord de la personne d’un enregistrement portant sur des paroles ou images à caractère sexuel et obtenues avec son consentement ou par elle-même » dans l’information judiciaire ouverte le jour-même, a indiqué une source judiciaire.
« Elle est la destinataire, elle le reconnaît sans objection, c’est bien elle. Elle les a gardées, pas pour les diffuser sur un site internet, elle les a gardées pour les garder », a déclaré son avocate Noémie Saidi-Cottier qui a précisé que la jeune femme a été placée sous contrôle judiciaire avec interdiction d’entrer en contact avec son compagnon, M. Pavlenski.
« Sa position est claire, elle n’est pas à l’initiative de la diffusion des images, elle conteste son implication dans la diffusion des images. Pour le reste, elle apporte son soutien total à son petit ami », a expliqué l’avocate. Cette dernière a décrit Mme Taddeo comme « extrêmement fatiguée » et « un peu à bout », après près de 48 heures de garde à vue et une nuit supplémentaire au dépôt du tribunal de Paris, avant d’être interrogée par la juge d’instruction en charge de l’information judiciaire.
Cela explique, d’après son avocate, elle n’ait « pas fait de déclarations » à la juge ce mardi, même si « elle a coopéré au cours de la garde à vue, tout le long, elle a donné les codes de son téléphone, elle a répondu à chacune des questions ». Alexandra de Taddeo, qui n’est pas apparue devant la presse mardi, « parlera aux médias quand elle s’en sentira le courage », a ajouté son avocate.