McKinsey. Le nom du célèbre cabinet de conseil avait fait irruption dans la campagne mi-mars, et parasité la course à sa réélection. Voilà qu’il vient, par voie judiciaire, rattraper un Emmanuel Macron déjà fragilisé par une configuration politique complexe.
Le parquet national financier (PNF) a annoncé jeudi avoir confié à des juges d’instruction, fin octobre, deux enquêtes sur l’intervention des cabinets de conseil dans les campagnes électorales de 2017 et 2022. L’une porte sur des soupçons de « tenue non conforme de comptes de campagne et minoration d’éléments comptables dans un compte de campagne », l’autre vise « des chefs de favoritisme et recel de favoritisme ».
En clair, la justice cherche à savoir si des cabinets de conseil n’auraient pas indûment participé au financement des campagnes du candidat Macron, avant de bénéficier en retour de juteux contrats publics.
Les termes McKinsey et Emmanuel Macron ne figurent pas dans le communiqué très technique du PNF, mais c’est bien l’affaire du printemps qui ressurgit. D’autant que le PNF réagissait aux révélations du Parisien, qui venait de faire état de ces investigations pour financement illégal de sa campagne.
Pour l’instant, l’Élysée, qui a « pris connaissance de la communication du parquet », a choisi de faire le dos rond. « Il appartient à la justice de conduire ces investigations en toute indépendance », s’est bornée à réagir la présidence jeudi soir.
En déplacement vendredi à Dijon pour la journée internationale de la violence à l’égard des femmes, le chef de l’État en dira-t-il plus ?
C’est dans la ville de Côte-d’Or, déjà, que le président-candidat avait tenté d’évacuer les premiers soupçons, fin mars, balayant les « bêtises » relayées, selon lui, par ses adversaires.
« Quand on veut aller très vite et très fort sur une politique, il faut parfois avoir recours à des prestataires extérieurs à l’État », avait-il insisté.
Il s’agissait de justifier le recours intensif par l’exécutif à ces cabinets privés, épinglé dans un rapport sénatorial qui avait fait l’effet d’une petite bombe pendant la campagne. L’opposition avait réclamé immédiatement une enquête sur l’éventuel favoritisme dont la puissante société américaine McKinsey aurait bénéficié de la part de la majorité macroniste.
« On a l’impression qu’il y a des combines, c’est faux. S’il y a des preuves de manipulation, que ça aille au pénal », s’était aussi agacé Emmanuel Macron.
Voilà qui est fait. L’Élysée n’a pas manqué de relever que les deux informations judiciaires ont été ouvertes « à la suite notamment de plaintes d’élus et d’associations ».
Connivence malsaine
« Arrêtons de penser, parce qu’il y a une ouverture d’enquête, que c’est infamant », a réagi vendredi sur Europe 1 le président par intérim du groupe Renaissance à l’Assemblée, Sylvain Maillard, appelant à laisser la justice « enquêter sereinement ».
Car le « McKinseyGate » a été érigé pendant la campagne par l’opposition en symbole d’une connivence malsaine avec les milieux d’affaires.
Le président du Rassemblement national, Jordan Bardella, n’a pas manqué vendredi d’accuser Emmanuel Macron d’avoir « confié la France à des liquidateurs ». Les cabinets de conseils mis en cause « ne travaillent pas dans l’intérêt de la nation française et du peuple français », a-t-il lancé, regrettant une politique de « renvoi d’ascenseur ».
Pendant la campagne présidentielle, les adversaires du chef de l’État n’avaient déjà eu de cesse de lui demander des comptes, dénonçant une « dérive totale », une bienveillance à l’égard des « lobbies » et de « l’évasion fiscale » supposée de certains cabinets, et même une « République McKinsey ».
La Macronie s’était retrouvée sur la défensive. « Les oppositions ont réussi à en faire un sparadrap pour nous », s’alarmait alors un responsable de la majorité.
L’affaire n’a in fine pas empêché la réélection en avril du président sortant.
Mais les résultats des législatives de juin ont été bien en deçà des espoirs de son camp, qui se retrouve privé de majorité absolue et aux prises avec des oppositions ragaillardies.